Tchad : une souveraineté alimentaire en péril face à des choix stratégiques incertains

Ph DR

Le Tchad possède un potentiel agricole considérable, avec plus de 60 % de ses terres arables encore inexploitées. Si ces terres étaient mises en valeur de manière efficace, elles pourraient non seulement subvenir aux besoins alimentaires de la population tchadienne, mais également contribuer à la sécurité alimentaire à l’échelle continentale. Cependant, le pays demeure largement dépendant des importations pour nourrir sa population, révélant l’absence d’un tissu économique locale dynamique.

Face aux crises internationales qui perturbent les chaînes de valeur et engendrent des pénuries, la souveraineté alimentaire est devenue un impératif pour le Tchad. Pourtant, la stratégie actuelle repose sur un investissement public massif, tandis qu’une personne sur cinq souffre encore de la faim. Avec une population en pleine croissance, le Tchad doit accroître sa production agricole pour garantir sa souveraineté alimentaire sans pour autant sacrifier son environnement. Les projets d’investissement doivent prendre en compte des facteurs de fragilité tels que l’extrême pauvreté, la faiblesse des capacités institutionnelles et la vulnérabilité au changement climatique.

Le manque d’investissements constitue un obstacle majeur, tout comme le climat d’affaires peu favorable dans le secteur agricole. L’inflation des prix des denrées alimentaires, qui a atteint 12 % dans la région, accentue encore la pression sur le pouvoir d’achat des populations et met en péril la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

Pour Abdelkerim Ahmadaye, ingénieur agronome, le Tchad doit impérativement améliorer la productivité des systèmes agroalimentaires et renforcer l’accès au marché. Il préconise un soutien accru aux petits exploitants, qui représentent plus de 2 millions de producteurs et assurent 80 % de la production alimentaire nationale. « Il faut les accompagner en introduisant des innovations technologiques dans l’utilisation des engrais, des machines et des équipements », explique-t-il.

Batna Dafogo Kampeté, ancien directeur de l’ONASA, insiste sur la nécessité pour l’État de prioriser les investissements dans les PME rurales afin de créer de la valeur, des revenus et des emplois décents pour les jeunes. Il recommande la construction d’infrastructures rurale-routes, entrepôts, chambres froides et réseaux électriques, indispensables pour transformer les systèmes agroalimentaires.

Malgré des efforts notables du gouvernement ces dernières années, la trajectoire actuelle ne semble pas en adéquation avec les objectifs de souveraineté alimentaire. Pourtant, la volonté politique existe, et le relèvement des budgets nationaux dédiés à l’agriculture témoigne d’un engagement réel. Pour réussir, le Tchad doit repenser sa stratégie et aligner ses actions sur les besoins urgents du secteur agricole.

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