Décentralisation : Comment financer le développement local au Tchad ?

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Le Tchad, comme la plupart des pays d’Afrique centrale, est caractérisé par une disparité criarde entre le niveau de développement des grandes agglomérations urbaines et celui des petites villes situées dans les provinces. Cette disparité pose clairement la problématique de la décentralisation et le financement du développement local.

Le 30 juillet 2024, le Conseil National de Transition a adopté le projet de loi organique déterminant le nombre, les dénominations et les limites territoriales des collectivités autonomes. Cette nouvelle disposition structure les collectivités autonomes en 23 provinces et 500 communes, dont 125 communes urbaines et 375 communes rurales. Il s’agit tout de même d’une avancée significative dans le processus de décentralisation du pays. Si au niveau des textes, l’on note une avancée, cependant il manque une véritable stratégie de financement de ces collectivités autonomes et plus globalement la stratégie de financement de nos territoires autonomes.

Dans cette tribune, nous proposons la mise en place d’une Banque Nationale pour le Développement des Territoires (BNDT) à laquelle nous assignons trois objectifs notamment (i) le financement en priorité des projets de développement local d’intérêt général dans les collectivités autonomes ; (ii) la promotion de l’inclusion financière et (iii) le financement des TPE et PME locale. L’idée est de mettre en place un véhicule financier capable de soutenir les collectivités dans le financement du développement local. Il est prévu que l’ensemble des collectivités aient leurs comptes dans cette banque. L’ensemble des transferts de l’État au profit de ces collectivités doit être logé dans ces comptes, ajouté à cela les parts des recettes fiscales collectées qui reviennent au profit des collectivités autonomes. Cette banque de développement est censée faire des prêts en priorité aux collectivités et également aux TPE et PME locales. Ces prêts doivent se faire à travers des taux bonifiés en fonction de la hiérarchie des priorités d’intérêt général, soit à travers des taux du marché (cas des TPE, PME, etc.). Une telle institution pourra mobiliser suffisamment de ressources financières et combler le déficit de financement dont souffrent nos collectivités autonomes.

Comment mobiliser les ressources pour la mise en place d’une telle institution financière ?

Le capital de cette banque de développement doit être détenu à majorité par l’État central qui par la suite, en fonction de sa contrainte budgétaire, pourrait ouvrir ce capital au privé, mais pas au-delà des 40%. Ceci permet à l’État d’avoir la main sur les projets d’intérêt général à financer dans le monde rural. Dans notre imagination, nous prévoyons une prise de participation majoritaire par le quatuor CNPS, CNRT, CARMI et FNDS. Cette liste peut faire l’objet d’un ajustement en fonction des réalités économiques du moment. Une autre possibilité serait de prélever 10 FCFA sur chaque litre vendu pour constituer le capital de cette banque de développement local. Il s’agit d’un effort national fait par chaque citoyen au profit du développement local. La mise en place de cette institution ne doit aucunement endetter davantage le pays. Les deux alternatives peuvent s’exécuter conjointement.

Le fonctionnement de la BNDT

La BNDT est dirigée par un Directeur général nommé par décret pour un mandat de quatre ans renouvelable une seule fois, assisté par une équipe de gestion. Un conseil de surveillance jouant le rôle du conseil d’administration doit être mis en place afin de contrôler la gestion de l’institution et fixer les orientations stratégiques. Le président du conseil de surveillance pourrait être soit le Ministre des Finances, soit le Secrétaire général de la Présidence ; ceci pour aligner les objectifs de la BNDT sur les orientations stratégiques du gouvernement en matière d’identification des secteurs prioritaires d’intérêt général à financer. Les membres du conseil d’administration doivent être choisis sur la base de leurs compétences, expériences et probité morale. Aucune personne condamnée pour des faits de détournement et/ou de malversation financière ne peut faire partie de l’équipe de direction, moins encore siégeant au conseil de surveillance. La BNDT doit avoir au moins une agence dans les provinces.

La BNDT est à notre modeste avis une réponse crédible et audacieuse pour mieux résoudre le problème de la disparité entre les grandes agglomérations urbaines et le monde rural. Elle contribuera à booster le développement local et pourra faciliter l’inclusion financière.

Vivement que cette réforme soit mise en place !

HISGUIMA DASSIDI Crépin

Doctorant en Sciences économiques à l’université d’Orléans

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