Provinces : « Travailler avec transparence et considérer la population, c’est ce qui est important »

Cohabitation pacifique, crise énergétique, éducation, conflits intercommunautaires, conflits éleveurs agriculteurs, relations avec la population, développement… le gouverneur de la province du Moyen-Chari, Général Ousman Brahim Djouma fait le point. Il dévoile aussi sa vision pour sa circonscription administrative dans une grande interview accordée à Le N’Djam Post.

Le N’Djam Post : en si peu de temps, vous avez développé un autre système de gouvernance locale. Ce qui vous a valu le titre de Prince de la province et vous avez reçu un prix du meilleur gouverneur décerné par les jeunes. Quel est le secret ?

Ousman Brahim Djouma : il n’y a pas de secret. Si on veut vraiment servir notre population, servir notre province, si on veut vraiment être agent de l’Etat au service de la population et au service de notre territoire, je pense qu’il n’y a pas de secret personnel. Il suffit juste de faire notre travail, faire le travail qui nous a été confié par les plus hautes autorités. La population ne demande rien de plus que cela. Nous faisons notre travail convenablement selon nos capacités. C’est ce qui a été apprécié par la population du Moyen-Chari et aussi la population tchadienne. Travailler avec transparence et considérer la population, c’est ce qui est important.

Comment faites-vous pour relever les défis de la province notamment en ce qui concerne l’électricité et l’éducation ?

Notre centrale n’a pas une grande capacité alors que la ville grandit et nous n’avons que 2250 kWh pour toute la ville de Sarh. Pour ne pas priver certaines parties de la ville et favoriser d’autres, nous avons demandé à la SNE de programmer la remise et le délestage mensuel sur un programme où toute la population aura à sa disposition quand elle aura l’électricité et quand il y aura délestage. Ceci fait suite aux plaintes d’électricité de la population. Nous avons demandé en même temps au ministre délégué de l’Energie, qui nous a promis qu’il y aura de nouvelles technologies qui vont augmenter les capacités de l’énergie dans un bref délai. L’absence du gouverneur à ce problème d’électricité se justifie dans deux cas, surtout de forces majeures qui nous ont à moitié convaincu. Toutefois, ils ont eu des instructions très claires puisque le gouverneur ne se déplace pas avec le groupe de la centrale de la SNE. Il doit y avoir l’électricité que le gouverneur soit là ou pas. On a déjà trouvé la solution idéale à ce problème.

Par rapport à l’éducation, nous nous battons et nous cherchons à entrer en contact avec les responsables de l’éducation pour améliorer l’état de nos écoles et également chercher à construire de nouvelles écoles pour que nos élèves et étudiants puissent étudier dans des bonnes conditions.

L’année dernière, les femmes de la province exprimaient leur colère suite aux événements de Sandana. Aujourd’hui l’on voit le sourire sur leur visage. Quelles stratégies aviez-vous mis sur pied ? Est-ce que les auteurs sont arrêtés ? Que fait la justice à ce propos ?

Nous n’avions pas mis une stratégie pour que ces dernières aient le sourire. Mais toutefois, nous nous sommes engagés à les servir loyalement et donner ce qui leur revient de droit. Par rapport à l’année dernière, les autorités administratives de la localité ont manqué à leur mission. C’est ce qui a fait que les conflits ont surgi et endeuillé presque toute la province.

Parlant des auteurs de Sandana, certainement ceux qui se trouvent au Tchad sont déjà entre les mains de la justice. Il y a d’autres qui ont pris fuite vers la RCA. Ceux-là nous ne pouvons pas les poursuivre, car la RCA est un autre pays et nous n’avons pas le droit des poursuites. Pour parler des peines, il faut que ces derniers soient jugés, puisqu’ils ne le sont pas encore. La justice est entrain de se décarcasser pour pouvoir faire son travail. Une fois le jugement rendu et que le verdict est tombé, purger leurs peines est obligatoire.

La population de Sandana et celle de Koumogo en général vivent en parfaite harmonie, parfaite cohabitation. Nous étions à deux reprises là-bas pour les sensibiliser. Nous avons passé des nuits avec eux, entendu leurs peines et également nous les avions orientés et leur faire connaître la valeur de la paix. Ils nous ont compris et ont pris la bonne décision de vivre ensemble. Au départ il y avait une réticence totale des deux côtés. Heureusement, on a pu les mettre ensemble et aujourd’hui si quelqu’un part au marché de Sandana, je pense qu’il va trouver un autre climat et plus favorable qu’ici à Sarh. Nous avons fait notre travail en tant qu’autorité et nous n’espérons pas un autre retour de Sandana.

Les étudiants se plaignent qu’il n’y a pas d’enseignants permanents ici à Sarh. La plupart ce sont des missionnaires et ils accusent toujours des retards. Qu’est-ce qui est entrain d’être fait pour soulager ces étudiants ?

Nous avons eu à tenir le conseil d’administration à N’Djaména et échanger longuement avec les responsables du Ministère de l’Enseignement Supérieur. Nous sommes entrain de chercher des solutions et nous allons trouver les plus adéquates. Nous avons demandé la construction d’une Université, car nous n’en avons pas une digne de ce nom.

Ce problème d’enseignants n’est pas seulement celui du Moyen-Chari mais de toutes les autres provinces. Les enseignants affectés ici en province parfois n’arrivent pas à rester sur place pour faire leur travail. Ils veulent se concentrer uniquement à N’Djaména. Je leur demanderai de venir nous aider à régler définitivement ce problème.

L’on signalait la rébellion au sud du pays, chose que votre prédécesseur avait déjà confirmé. Quel est l’état actuel de la situation ?

Vous savez, dans la province du Moyen-Chari nous n’avons pas ce genre de problème pour l’instant. Ce problème est plutôt dans le logone occidental. Ici nous avons notre sécurité en main. Nous assurons la sécurité de notre territoire hors mis les petits braconniers qui cherchent à abattre nos animaux sauvages, mais nous cherchons à les contrecarrer. On ne sait jamais ce qui se prépare dans le pays voisin. Comme vous l’avez appris, je l’ai aussi appris. Et aussi comme ce n’est pas mon territoire, je ne suis que de près et j’écoute des rumeurs comme vous.

Que dites-vous de la cherté de vie à Sarh?

D’abord, la cherté de la vie est liée à la fermeture des frontières. Vous connaissez nos commerçants qui profitent des occasions pour rendre chers les produits tant qu’il n’y a pas une facilité quelque part. La cherté de vie aujourd’hui c’est tout le Tchad qui en souffre.

Il n’y a pas de raisons d’augmenter les prix du moment où l’on sait à combien revient tel ou tel produit et on sait aussi le prix de transport de ces produits de N’Djaména à Sarh, le dédouanement, les taxes et tout. En réalité, ce problème doit être suivi par le Ministère du Commerce pour pouvoir fixer les prix. Si le Ministère du Commerce ne fixe pas les prix, nous ne pouvons pas décider au niveau provincial. Ici on ne travaille qu’avec les textes de la République. Ce ministère et la chambre de commerce de N’NDjamena doivent se réveiller pour faire respecter les prix. Et s’il y a les textes, on peut les faire respecter. Comme tout est anarchique au niveau de nos commerçants, ils font ce qu’ils veulent. Les prix des autres denrées à part le carburant, doivent être fixés par le Ministère du Commerce. Si ce problème n’est pas règlementé au niveau central, c’est difficile de le faire ici. Toutefois, il y a une mauvaise intention et une mauvaise volonté de s’enrichir illicitement chez nos commerçants si un stylo de 100 f se vend à 250f.

Le problème des éleveurs armés est une réalité dans toutes les provinces. Qu’est-ce que vous essayez de faire pour résoudre ce problème ?

Éleveurs armés n’est pas égal à la rébellion. Toutefois, nous sommes entrain de faire notre travail. Tout récemment, nous avons eu les commissions de désarmement de la population qui étaient venues pour une durée donnée. Ce qui a permis la récupération de plus de 200 armes de guerre et de chasse . Elles reviendront encore pour désarmer les éleveurs comme agriculteurs et toute personne civile qui détient les armes. C’est notre mission principale. Sans cela, on ne peut pas parler de sécurité ni de paix. Comme vous l’avez bien dit, c’est un problème national et notre zone est difficile, surtout pour l’accès. Mais nous faisons tout notre possible pour pouvoir désarmer toute la population. Car si les armes se trouvent entre les mains d’une personne non formée et non habilitée à le détenir, c’est un danger pour la population et un danger pour lui-même.

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