Nationalisation des actifs d’Esso : ce qu’il faut retenir de la procédure et des enjeux

Par un décret du 23 mars 2023, le gouvernement du Tchad a nationalisé les actifs de la société ESSO Exploration and Production Chad Inc. Cette nationalisation concerne tous les droits de toute nature découlant des conventions, permis de recherche, autorisations d’exploitation et transports des hydrocarbures. Ce mercredi, un projet de loi relatif à ce dossier est en discussion au palais de la démocratie. Le N’Djam Post revient sur les tenants et aboutissants de cette procédure, qui fait couler d’encre et de salive.

Le gouvernement tchadien a annoncé la nationalisation de tous les actifs de la société ESSO Tchad, ex filiale du géant américain des hydrocarbures Exxon Mobil. Pour revenir à la genèse de l’histoire, le Tchad a contesté la récente cession des actifs d’Esso à la compagnie britannique Savannah Energy PLC. Il dénonce une violation directe des conventions internationales et demande un arbitrage en sa faveur, à la chambre internationale de commerce de Paris.

Selon le décret du gouvernement tchadien, les actifs, droits, conventions, permis de recherche, exploitation et transport des hydrocarbures d’ESSO, sont nationalisés. Sont concernés par ce décret de nationalisation, le gisement de Doba, les concessions dans certains champs pétroliers, la vente du pétrole extrait et une participation dans le pipeline Tchad-Cameroun. C’est une nationalisation qui intervient alors que Savannah Inc’s avait par le passé stoppé le déclin de la filiale d’Exxon Mobil. Celle-ci avait lancé des investissements pour accroitre de manière substantielle la production quotidienne pour atteindre 29.349 barils depuis décembre 2022.

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Un projet de loi de dernière minute

Après le décret de nationalisation, un projet de loi portant nationalisation de tous les actifs et tous les droits de toute nature des sociétés Esso Exploration and Production Chad Inc. et Esso Pipeline Investments Limited a été posé sur la table lors du conseil des ministres du 27 mars 2023. Le projet de loi est donc validé en conseil des ministres. Le dernier mot revient aux conseillers nationaux.

Pour le ministre des hydrocarbures et de l’énergie, Djerassem Le Bémadjiel, ce projet de texte, conforme aux textes applicables en République du Tchad, a pour objet de nationaliser les actifs et les droits des sociétés Esso exerçant ou ayant exercé au Tchad. C’est le cas aussi pour toute entité venant de leur droit, dans le cadre de l’exploitation et de la production pétrolière ainsi que de l’oléoduc transportant le pétrole tchadien. Présentant la genèse du dossier, le ministre en charge des hydrocarbures a souligné qu’Esso a fait part au Tchad dès 2021, de son souhait de quitter le Tchad et le Gouvernement en avait pris acte. Esso a, par la suite, proposé la vente de ses actifs et droits à une entreprise inconnue au Tchad dénommée Savannah.

Suivant les conventions pétrolières et les lois du Tchad, une telle cession doit obtenir l’aval préalable de l’Etat qui vérifie que l’entreprise a les capacités techniques et financières de gérer le pétrole tchadien. « Après vérifications, l’Etat ayant constaté que l’entreprise proposée ne dispose pas des capacités ni des garanties demandées, le Gouvernement a émis des réserves et des objections à cette cession car le pétrole est un domaine stratégique pour le Tchad représentant plus de 80 % des recettes d’exportation. Il ne peut donc être cédé sans les garanties et les capacités de gestion démontrées et vérifiées » à indiqué le Porte-parole du Gouvernement, Aziz Mahamat Saleh, dans son compte-rendu du conseil des ministres.

Selon le ministre de la communication, au mépris des objections du Gouvernement, Esso a fait un passage en force et tente d’imposer Savannah comme partenaire à la République du Tchad pour gérer le pétrole. C’est donc cette raison qui a poussé le Gouvernement à nationaliser les hydrocarbures.

Les enjeux

La décision du Tchad avait entrainé une poursuite judiciaire de la part de Savnnah Energy qui conteste la nationalisation des actifs. Le Tchad, pays souverain et producteur de pétrole depuis octobre 2003, était très dépendant des bénéfices tirés des hydrocarbures, avec un PIB en 2020, de 11,33% selon un rapport de la Banque mondiale. Cette histoire de nationalisation de actifs de ESSO par l’Etat tchadien, marquera un tournant dans l’histoire de l’industrie pétrolière, bien que contestée. Ce qu’on peut retenir est que le Tchad veut protéger ses actifs dorénavant.

Bien que le rachat soit consommé depuis le 9 décembre 2022, le Tchad avait jugé que les compagnies avaient violé les prérogatives légales de la société tchadienne des hydrocarbures (SHT), notamment son droit de préemption qu’elle n’a pas encore exécuté. Et pourtant, cette nationalisation permettra à l’Etat tchadien de générer les bénéfices des produits des hydrocarbures, avec tout le personnel de Esso à sa charge.

Pour rappel, la société Savannah Energy et le consortium américain ExxonMobil étaient tombés d’accord pour l’acquisition des actifs de la filiale. Selon les termes de l’accord, Savannah Energy devrait acquérir 40 % des parts détenues par ExxonMobil dans Cameroon Oil Transportation Co (COTCO) et Tchad Oil Transportation CO (COTCO). Mais force est de constater que le Tchad, a contesté le rachat de Savannah Energy, actif de ExxonMobil dans le champ pétrolier de Doba et le pipeline Tchad-Cameroun.

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