Tchad : le concept “Grâce présidentielle” expliqué par un juriste

L’actualité tchadienne est dominée en ce début de semaine par les décrets du Président de Transition Mahamat Idriss Deby Itno, accordant la grâce présidentielle à 380 prisonniers de guerre du groupe rebelle Front d’alternance et les Concorde au Tchad (FACT) et à 259 manifestants du 20 octobre 2022. Le Pr Ahmat Mahamat Hassan, juriste, constitutionnaliste et ancien garde sceaux, lève l’équivoque sur les zones d’ombres de ces décrets.


Pour l’ancien garde sceaux, Pr Ahmat Mahamat Hassan, le principe de la grâce présidentielle est méconnu de beaucoup de Tchadiens. « La grâce présidentielle est un privilège reconnu au président de la République par la Constitution. Il peut pardonner un condamné définitif par la réduction d’une partie de la peine. Mais, il faut absolument la première partie pour que la condamnation soit définitive et que tous les recours soient épuisés pour que la grâce présidentielle puisse être envisagée. La grâce ne porte pas sur les faits mais sur la peine et elle précise si c’est un emprisonnement qu’elle diminue. Par exemple, si la personne est condamnée à dix ans d’emprisonnement, le décret va préciser si on pardonne deux, trois ou quatre ans. Et c’est cela qui va s’appliquer. Si la personne a déjà passé trois ans ou quatre ans et la grâce portait effectivement sur cette durée, la personne est libérable mais il faudrait absolument qu’elle soit définitive et que tous les recours soient épuisés », a-t-il expliqué.

Pour le cas d’espèce, Pr Ahmat Mahamat Hassan a énuméré que la cour criminelle de N’Djamena a siégé et a condamné les prisonniers de guerre du FACT à une peine d’emprisonnement à vie pour ceux qui sont présents et pour les autres absents. Les chefs rebelles qui n’étaient pas présents à l’audience avaient été condamnés par contumace, mais ils ont les voies de recours. Selon leurs avocats, ils font recours à la cassation c’est à dire à la cour suprême. On aurait dû attendre le dernier recours pour que la grâce présidentielle puisse être applicable.

« Il y a les effets politiques de la grâce présidentielle. Elle peut prétendre être basé sur les faits. Elle permet à l’auteur de maintenir une monnaie d’échange politique. C’est à dire que ceux qui ne sont pas bénéficiaires de cette grâce, voudraient bénéficier de cette grâce. Et bien il y a des négociations politiques en cours dans le cadre d’un dialogue futur. S’il négocie, alors en ce moment, soit les conditions de leur accord politique pourraient porter sur une amnistie comme cela été le cas, il y’a quelques années pour le cas du groupe de Timan Erdimi qui avait fait l’objet d’une condamnation de la cour criminelle spéciale siégeant en 2019 à Koro Toro ; ou bien soit que ça se fera par recours à la voie du pardon c’est ce qui est la grâce présidentielle », a rajouté Pr Ahmat Mahamat Hassan.

Il conclut que parfois la porte de la négociation pourrait être politique. « L’amnistie porte sur les faits, elle efface l’infraction comme si la faute n’a jamais été commise. Si vous êtes bénéficiaires d’une amnistie, rien ne sortira dans votre casier judiciaire par contre la grâce présidentielle peut atténuer la peine à laquelle vous êtes condamnés mais elle n’efface pas le casier », a-t-il informé.

Il faut rappeler que cette grâce présidentielle intervient lorsque le parquet ou les membres de la famille des condamnés font recours au Président de la République pour que la peine de ces derniers soit réduite. Celui des prisonniers de guerre résulte de la promesse faite par le président de Transition Mahamat Idriss Deby Itno, pendant la tenue du DNIS. Le cas des manifestants par contre serait lié à plusieurs demandes formulées par les Tchadiens de tout bord.

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