Tchad : la vente des médicaments contrefaits, un mal à la peau dure

Au Tchad, les produits pharmaceutiques issus de la contrebande se vendent dans les villes et villages comme des petits pains. Pourtant, la célébration le 12 octobre 2023 de la journée mondiale de lutte contre les faux médicaments remet au goût du jour la difficile interdiction de ces médicaments aux origines douteuses.

La porosité des frontières tchadiennes et la moralité peu recommandable de certains agents de l’État postés aux frontières seraient pour beaucoup dans l’entrée sur le territoire national des faux médicaments. Vendus dans des conditions qui laissent à désirer, ces médicaments officiellement prohibés par le gouvernement constituent à bien d’égards un danger pour la santé des populations, mais aussi de l’économie nationale.

Dans la ville de N’Djaména et autres localités, ces produits pharmaceutiques se retrouvent dans les coins de rue. Transportés sur la tête, sur les vélos et même exposés dans des comptoirs, ils font de la résistance et se trouvent être des concurrents des pharmacies. Or cette question a été évoquée au cours de la 8ᵉ Assemblée générale de l’ordre national des pharmaciens du Tchad.

La police sanitaire créée pour lutter contre ces produits dangereux pour la santé au niveau national semble s’essouffler. Malgré la présence de cette police, rien ne présage la fin de l’activité de vente des médicaments contrefaits. C’était alors sans compter sur les nouvelles stratégies de l’administration. « Chaque dimanche, nous payons 500 F CFA aux policiers et 500 F CFA à la police municipale. Ça nous donne droit à une semaine de vente. Depuis que nous avons commencé à payer ces « droits », nous ne sommes plus inquiétés parce que nos responsables font la collecte », raconte Ali, vendeur des médicaments de la rue en face des urgences de l’hôpital général de référence à N’Djaména.

Le cri inaudible des pharmaciens

L’ « officialisation » de la vente de ces médicaments contraste avec les intérêts des pharmaciens. Ces derniers crient à l’abandon par l’État et s’indignent contre le laisser-aller des autorités. « La vente des médicaments dans la rue est un crime économique. Notre marché de médicaments est contrôlé à 45 % par la rue. Ce qui fait perdre environ 60 milliards aux pharmaciens et ce qui fait perdre aussi d’énormes impôts à l’État », explique Dr Saleh de la Pharmacie du Centre. Les faux médicaments ont de ce fait un double impact, sur l’économie et sur la santé des populations. Selon ce pharmacien, les médicaments de la rue font perdre à l’État d’énormes sommes chaque année et cela est d’autant plus désolant lorsqu’on évalue les dépenses des familles pour les soins.

Face à la prolifération des médicaments de contrefaçon, les pharmaciens craignent de fermer et de se mettre aussi à vendre dans la rue. Selon les explications de Dr Saleh, la chaine des faux médicaments est très longue et ce sont parfois les hauts fonctionnaires qui sont derrière ce business nocif. « Si je me mets à dénoncer, je serai seul. Il suffit de donner des pots-de-vin pour clore le débat. On connait les plus grands importateurs des faux médicaments. On ne peut pas se battre avec quelqu’un qui a un capital de 500 millions, d’un milliard qui ravitaille la rue. Et le paradoxe dans tout ça, parfois, on retrouve les gens qui sont placés haut dans le gouvernement et il y a des pharmaciens aussi », argue-t-il, l’air désolé.

En attendant de trouver la bonne thérapie contre les médicaments de la rue qui tuent, ces derniers continuent de circuler sous les yeux et la barbe des autorités, au nom du laxisme et de la tolérance administrative.

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