Au Tchad, la Police Nationale mène depuis quelques jours, avec la mairie de la capitale, une opération de déguerpissement de l’espace public. Kiosques et tabliers sont dégagés ou simplement détruits le long des trottoirs par la police municipale, au grand dam des citoyens qui les tiennent.
Ce mercredi après-midi, la circulation est très fluide aux alentours du marché de Ndjari communément appelé « djamié Ajhadar », un lieu habituellement occupé de façon anarchique par les commerçants. Les vendeurs qui occupent les abords ont été déguerpis. Plus loin, les étals des commerces de fortune ont été saccagés par la police à coups de marteaux et d’arrache-clous.
Ce déguerpissement affecte psychologiquement les commerçants débrouillards, envoyés au chômage sans mesures d’accompagnement. « On n’a pas reçu de notification, on n’a pas eu de préavis », rapporte Abdelkerim Ahmadaye, Porte-parole des victimes du déguerpissement. « On l’a appris sur les réseaux sociaux. On n’a pas les moyens d’anticiper. Ce qu’on peut enlever directement, on enlève. Ce qu’on ne peut pas, on leur laisse, ils vont venir le démolir. Ce qui est sûr, on nous a dit seulement “préparez-vous seulement pour après-demain parce qu’après-demain, c’est tout le reste qu’on va prendre” », ajoute-t-il.
« L’État se comporte comme un voyou ! Le droit est piétiné au Tchad pour donner l’impression qu’au Tchad, tout le monde vit à l’aise. Or, ce n’est pas le cas ! ». Près de cette famille chassée, des jeunes furieux fouillent les décombres à la recherche de câbles ou de morceaux de tôle qu’ils pourront revendre. Des centaines d’occupants, prévenus par la mairie ce mercredi, n’ont eu que trois jours pour évacuer leurs ateliers ou leurs habitations. À cela s’ajoute le flou du droit foncier concernant les réserves d’État qui sont souvent vendues aux plus offrants au lieu de sécuriser le droit coutumier de la population.
C’est le cas du terrain expérience de Walia, dans le 9ᵉ arrondissement. Les habitants de ce quartier ne cachent pas leur désarroi. « Ces terres-là appartenaient à nos parents. Il y a eu une réquisition pour cause d’utilité publique », déclare Fangsou Djoblona . « Maintenant, aujourd’hui, si l’État peut se permettre de les donner à d’autres Tchadiens, pourquoi pas nous ? Ils ont vendu aux riches, sauf à nous. C’est une injustice notoire ! Nous avons des titres fonciers dedans et nous avons un droit de préemption », martèle-t-il.