La ville d’Abéché, chef-lieu de la province du Ouaddaï, est plongée depuis le début de cette semaine dans une situation de quasi-insurrection. Elle porte encore les stigmates de la manifestation de la veille. Même la journée de ce mardi 25 janvier 2022 ressemble étrangement à celle de la veille. Des manifestants sont encore sortis dans les rues pour protester contre l’intronisation, le samedi 29 janvier prochain, à la place de l’Indépendance, du chef de canton Bani-Halba, M. Bachar Younous Ahmat, nommé depuis 2019. Ils exigent l’annulation pure et simple du décret portant création du canton Bani-Halba, « sans territoire ». Les marchés et les écoles sont, pour la plupart, fermés, ce mardi. L’on signale que des véhicules sont caillassés et plusieurs commerces saccagés. Les forces de l’ordre répriment dans la violence les manifestations.
Dans son bilan, la Commission Nationale des Droits de l’Homme avance 5 morts et 35 blessés. Son président M. Djidda Oumar Mahamat indique que les pertes en vies humaines et les blessures ont été causées après que les forces de l’ordre ont tenté de disperser les manifestants « en faisant usage des balles réelle ». Des témoins informent qu’un important dispositif militaire notamment des armes lourdes sont visibles sur certains points stratégiques de la ville.
La toile continue de vibrer au rythme de nombreuses images parfois insoutenables de la répression de la manifestation. Des vidéos postées sur le net montrent des militaires frappant violemment des manifestants arrêtés. Un internaute jure avoir vu un véhicule militaire roulé sur des « manifestants blessés ». Des membres de la diaspora ouaddaïenne et certains défenseurs des droits humains montent au créneau pour décrier la « répression aveugle et sans discernement des forces de l’ordre » et surtout le silence du gouvernement. « En tant que conseiller national, je ramène la responsabilité entière au gouvernement et je tiens le gouvernement responsable de tout ce qui adviendra », avertit Mahamat Saleh Ahmat Khayar, dans un média local. M. Djidda Oumar Mahamat condamne également « la réponse disproportionnée des forces de défense et de sécurité ainsi que les actes de torture auxquels elles ont eu à se livrer ». Par ailleurs, la CNDH appelle les plus hautes autorités à prendre leurs responsabilités « pour faire cesser au plus vite ces manifestations dans le plus strict respect des droits de l’homme ».
Des milliers de personnes envahissent ce lundi les rues d’Abéché. Les forces de l’ordre les dispersent par des tirs de grenades lacrymogènes. « Les forces de l’ordre ont également tiré à balles réelles sur les manifestants », indique une source locale. Des manifestants trouvent anormal qu’un chef de canton « sans aucun village » se fasse introniser à la place de l’Indépendance de la ville. « Les organisateurs de cette cérémonie ont des idées derrière la tête. Seul le sultan de Dar Ouaddaï a ce privilège d’être intronisé à cet endroit. C’est une manière déguisée de reprendre le sultanat seulement. On ne peut être un chef de canton dans un quartier d’Abéché. Sinon qu’il aille attacher son turban à Abgoudam ou dans son ferrick », insiste très remonté un manifestant. Mais, les partisans du chef de canton Bani-Halba voient autre chose. « Le chef Bachar Younous Ahmat paie pour sa loyauté envers l’ancienne famille régnante. Il a toujours tenu tête au sultan. Si ce n’est pas à cause du Covid-19, notre chef serait intronisé depuis longtemps. C’est des manœuvres pour créer la zizanie seulement », réplique un membre de la tribu Arabe Bani-Halba.