Édito : Les Maliens, seuls, face à leur destin

Comme l’on s’y attendait, la France et ses partenaires africains et européens ont mis leur menace à exécution. Le mini-sommet de l’Elysée de ce mercredi 16 février 2022, a acté le retrait « coordonné » des forces militaires Barkhane et Takuba du Mali. Après neuf ans d’engagement pour lutter contre les djihadistes et une brouille Diplomatique monumentale, le divorce entre la France et le Mali vient d’être consommé :

« En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les Etats Européens opérant aux côtés de l’opération Barkhane et au sein de la Task Force Takuba que les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations ».

Nous en sommes donc à l’épilogue des multiples menaces et autres « chantages » des Occidentaux et des pays de la Cédéao. Ces démonstrations de forces n’ont toutefois pas réussi a faire dévier les Maliens ou plutôt les autorités de la Transition de leur nouvelle direction prise pour débarrasser leur pays des terroristes.

Quitte à s’allier avec le « diable », en l’occurrence le groupe russe Wagner, la nouvelle bête noire des Occidentaux ! L’actuelle junte malienne suivie par ses concitoyens, chez laquelle le sentiment anti-français ne cesse de trouver un écho toujours plus grand, voie à tort ou à raison, l’engagement de la France dans leur pays très improductif et surtout inefficace sur le terrain de la lutte contre les djihadistes de tous poils.

Un sentiment de rejet de la présence française, qui a germé depuis plusieurs années, même du temps d’Ibrahima Boubacar Keïta, l’ex-président de la République, déposé par les hommes d’Assimi Goïta, et qui croît inéluctablement, entretenu par un intense « French-bashing » mené par des campagnes médiatiques attribuées au pays de Vladimir Poutine.

Quoi qu’il en soit, il donne lieu à des manifestations monstres organisées un peu partout au Mali pour demander le retrait des français. Fidèles à leur logique de diversifier leurs partenaires, les Maliens ont donc épousé les aspirations de leur peuple tout en encaissant en sourdine « les fléchettes » décochées par la France et ses alliés occidentaux, face à la présence russe, au pays de Modibo Kéïta. Le retrait du sol malien pour défaut d’autorisation des forces Danoises appartenant à Takuba, cette initiative européenne contre le terrorisme, a été la goutte d’eau, qui a fait déborder le vase. Les responsables français s’en sont pris violemment au gouvernement de transition du Mali, le qualifiant d’illégitime et de prendre des décisions irresponsables. Les autorités de la transition du Mali, quant à eux, digèrent très mal les sorties médiatiques des diplomates français notamment celle de Jean Yves Le Drian, ministre des Affaires Etrangères et de l’Europe, qui a valu à l’ambassadeur français en poste à Bamako son expulsion pure et simple.

C’est dire, à quel point, les relations bilatérales ont connu une escalade fulgurante et la rupture diplomatique n’a été évitée que de justesse. Le Mali reste toutefois ouvert au dialogue avec ses partenaires y compris la France, mais dans le respect mutuel, affirment de leurs côtés les hautes autorités de la Transition Malienne.

À la veille du sommet Union Européenne – Union Africaine qui se tient du 17 au 18 février à Bruxelles, la seule alternative, qui restait aux Occidentaux pour atténuer l’intensité de « l’affront » de cet inévitable retrait de toutes les forces du Mali, restait de noyer l’embarras de Paris dans une communication groupée de 24 pays ainsi que du Conseil Européen, de la Commission de l’UE, de la Coalition pour le Sahel, et de la Commission de l’Union Africaine.

À cet effet, un communiqué conjoint dans lequel sont envoyés en premières lignes « les Pays Sahéliens » pour « constater et regretter que les autorités maliennes de transition n’aient pas tenu leurs engagements envers la CEDEAO, soutenue par l’Union africaine, d’organiser des élections présidentielles et législatives avant le 27 février 2022 ».

La volonté de ces pays, qui parlent d’une seule voix, à Paris, est aussi une forme de pression sur les autorités de transition malienne afin d’aller aux élections, le plus vite possible : « Nous exhortons les autorités maliennes à achever la période de transition et à organiser des élections libres, équitables et crédibles ». Peut-être qu’avec le retour à l’ordre constitutionnel, le vent tournera en leur faveur.

L’autre facteur qui concourt au retrait de Barkhane et Takuba est le déplacement des « champs d’action » des bandes armées vers les pays côtiers au détriment du Sahel. Certains spécialistes avancent que les pays côtiers comme la Côte d’Ivoire, le Benin, le Togo, le Ghana et dans une moindre mésure le Burkina, en proie aux attaques terroristes ces derniers temps, ont plus besoin du soutien des forces Barkhane et Takuba que le Mali. « Les pays occidentaux ont plus d’intérêts à protéger dans ces pays que dans toute la bande sahélienne. En plus, ils ne sont pas bien équipés pour faire face à ces terroristes de plus en plus mobiles », indique-t-on.

Dans tous les cas, le redéploiement des forces européennes et françaises dans le Golfe de Guinée dénote leur volonté de garder toujours une influence militaire en Afrique, considérée comme leur chasse gardée : « En étroite coordination avec les Etats voisins, ils ont également exprimé leur volonté de rester engagés dans la région, dans le respect de leurs procédures constitutionnelles respectives ». Car, les Russes, les Chinois et les Turcs avancent lentement mais surement leurs pions dans nombre de pays africains. Le choc de titans risque de se produire en Afrique.

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