Depuis près d’une décennie qu’il arpente les désert du Sahara, Saleh Abdelkerim Habre, dit Saleh Abdelkerimy ou Saleh Anakazi, a gravi avec fulgurance les échelons, se hissant tout en haut de la pyramide du très dangereux milieu du mercenariat et du crime organisé.
Les échos de ce personnage intriguant commençait à se faire audibles par bribes, puis a résonner un peu plus fort et crescendo au fur des années et des opérations menées.
Et pour cause, Saleh, l’homme de Salvadorre en référence à la fameuse « passe de Salvadorre » – passage situé à 100 km de Madama au Niger, dans le Nord-Est, et nichée au cœur des trois frontières (Niger, Libye, Algérie), l’un des points de passage le plus dangereux en Afrique connu pour toutes sortes de trafics (humains, drogues, armes, terrorisme) – s’est forgé à coup de canons de 12,7 mm, de lance roquettes, une réputation hors du commun.
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À la tête d’une solide équipe de jeunes constitué de son clan, triés sur le volet pour leur dévotion totale à la vie de mercenariat, leur courage et loyauté à son égard, Saleh Abdelkerim Habré s’est lentement et sûrement construit un nom et une réputation dans le milieu de la « mafia ».
Entre contrats de transport de marchandises illicites, ou lucratifs services de sécurisation de convois dans ce corridor mortel, et autres opérations les plus risquées, ce jeune homme ambitieux que rien ne semble effrayer a mis sa vie et celles de sa bande en caution en échanges de liasses de billets aux montants astronomiques.
De plus en plus, son nom revenait avec plus de régularité : Tantôt des connexions avec des notables et chefs de guerre libyens influant dans le Fezzan, là bas son entremise pour la libération de tchadiens détenus, le nom de Saleh devenait un véritable « label de confiance » dans les « Transactions ».
Mais, c’est bel et bien son implication dans le milieu du mercenariat qui fît émerger complément Saleh Annakazi au cœur du cercle fermé des grands noms des chefs et considérés comme tels.
En mettant à disposition son armée auprès des forces de Haftar, il obtint rang, position et moyens financiers conséquents, à tel point que ses déplacements, tel un chef de cartel respectable et respecté, ne se faisaient désormais qu’en pick-up blindé, entouré de ses éléments bien équipés et lourdement armés.
Mais, après ces dernières années de faste, béneficiant d’un statut de quasi « intouchable », Saleh Abdelkerim Habre, l’homme de Salvadorre va connaître après son ascension fulgurante un revirement brutal et douloureux en ce début d’année 2025.
En effet, c’est dans le Sud-Ouest Libyen, dans la ville de Gatrone où est implanté son quartier général, que l’empire de Saleh Abdelkerimi s’est effondré comme un jeu de cartes en pleine tempête.
En effet, des affrontements violents et mortels ont éclatés ce 12 février 2025, opposant les alliés d’hier, devenus ennemis aujourd’hui.
Ainsi, les redoutables forces arabes libyennes du Maréchal Haftar, sous les ordres de Saddam Khalifa Haftar et particulièrement son 87ème bataillon d’intervention rapide sont venus à l’affrontement avec le groupe armé placé sous le commandement du neveu de l’ancien Président tchadien Hissein Habré.
De violents affrontements
Après une première offensive contre le groupe armé, les troupes de Saleh Abdelkerim Habre, ont réussi à contenir la puissance de feu adverse et semblaient bien déterminés à donner du fil à retordre aux impressionnantes forces arabes libyennes, jubilant même sur des séquences vidéos, au pied de leur rangers un soldat de Haftar, mordant la poussière, captif, ligoté en « arbatachar ».
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Mais, la riposte ne s’est pas fait attendre de la part des commandos de la 87ème brigade libyenne et fût intense, conjuguant moyens aériens (hélicoptère de combats et drones) et troupes au sol, a quasiment neutralisé l’essentiel des capacités matériels de Saleh et son gang.
En effet, au soir du 12 février, des images relayés par plusieurs médias libyens en provenance du lieu de l’affrontement témoignaient de la violence des combats qui y ont sévit : Une quinzaine de véhicules Toyota pick-up totalement calcinés, un véhicule citerne entièrement neutralisé, un bâtiment servant de quartier général déserté, et de nombreux et réservoirs de stockage de carburants, de grande capacité laissés à l’abandon. Ces images ont montré pour la première fois, ce à quoi ressemble le quartier général de « Saley ».
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Vaste opération militaire
Cet affrontement qui a eu lieu a Gatroune est la résultante d’une vaste opération militaire menée par les autorités libyennes dans le Sud de la Libye et jusqu’aux frontières avec le Tchad afin de sécuriser le pays et de se débarrasser des groupes armés qui opèrent dans les activités illicites de toutes sortes, tel que le groupe de Saleh Abdelkerim Habre, implanté en libye depuis près d’une décennie.
L’opération a effectivement permis aux forces arabes libyennes de Haftar, de mettre la main sur d’importantes quantités de produits prohibés dissimulées dans des caches souterraines et de découvrir une véritable logistique de contrebande de carburants.
Toutefois, les forces de Haftar ne s’attendant pas à une telle résistance, ont officiellement indiqué avoir essuyé 7 morts et des bléssés, même si le bilan pourrait s’avérer plus lourd selon une source à l’hopital de Gatrone qui rapporte un nombre beaucoup plus élevé de morts et de bléssés, et dans des états critiques, ayant dû être évacués à Sebha.
Mais, c’est plutôt du côté de la bande armée de Saleh Abdelkerim Habré que la perte est la plus importante avec beaucoup plus de morts et de bléssés mais aussi des prisonniers.
Quoi qu’il en ait coûté en vies humaines, cette opération militaire d’envergure a bénéficié du soutien du conseil de sages et notables du Fezzan, dont les communautés toubous de Libye font partie intégrante, et qui a travers un communiqué, a encouragé les forces armées de Haftar dans cette opération de nettoyage et a témoigné sa compassion à l’endroit des familles de soldats décédés au cours de l’affrontement.
Saleh Habre, dommage collatéral d’un réequilibrage des pouvoirs ?
Ce qu’il est essentiel aussi de souligner, c’est que la position, le rang et le statut de Saleh Abdelkerim Habre, il ne les doit pas uniquement à sa force de feu. Mais à un jeu d’alliance qui le lie avec un général influent en particulier, maillon essentiel de la puissante armée du Maréchal Haftar.
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Cet homme n’est nul autre que le très puissant commandant de la 128ème Brigade Renforcée : le Général de division Hassan Al-Zadma, avec lequel Saleh Habré et ses troupes sont affiliés et entretiennent des liens très étroits.
Mais, la relation entre Hassan Al Zadma et le Général Saddam, l’un des fils du Maréchal Haftar n’a eu de cesse de se dégrader ces derniers mois, et conduisant même au remplacement du Général Hassan Al-Zadma en janvier et son remplacement par un certain Abdel-Ati Al Hamali.
Le jeu de rééquilibrage de pouvoirs entre l’équipe « Khala » constituée du Maréchal Khalifa Haftar et de ses fils Saddam et Khaled a également affecté l’équilibre des forces militaires sous le commandement de leur État major général, non seulement au niveau de la 128ème Brigade, mais a également touché un autre influent Général, fondateur de la très puissante brigade Tariq Ben Ziyad qui est le Général Omar Maraji El-Megrahi.
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Ces tensions ont conduit à une réaction en chaîne et crédibilise l’hypothèse que cette soudaine opération de sécurisation menée par les forces de Haftar résulte assurément du rééquilibrage des dynamiques de pouvoirs et en finir avec Hassan Al Zadma, dont l’influence grandissante est très mal perçue.
Par conséquent, ses alliés eux aussi ne devraient plus subsister et en premier lieu, Saleh Abdelkerim Habre.
Cette mise « hors jeu » de Zadma a fait passer un message clair à Saleh Abdelkerim Habre de la part des forces arabes libyennes : Les temps ont changé !
Aussi, sur injonctions de la police militaire Saleh Habre aurait refusé de remettre ses équipements et armements, ce qui aurait conduit aux affrontements du 13 février sous couvert d’une opération de sécurisation des frontières.
Dans une vidéo datant du mois de janvier, l’on pouvait voir Saleh s’adresser en Gourane à l’ensemble de ses troupes, passant lui aussi un message d’un air menaçant, que celui qui voudrait les soumettre rencontrerait d’abord leurs canons.
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Quel que soit la réalité des motivations profondes, le fait est que Saleh Abdelkerim Habre a essuyé un revers redoutable, mais cela suffira t-il à le considérer comme définitivement anéanti ?
Difficile d’y croire, car ce dernier béneficie d’une force assez importante et les soutiens dans ce milieu du crime organisé, peuvent parvenir de toutes parts, pour relever un allié qui aurait rencontré mauvaise fortune.
Les jours qui suivent démontreront si la chute de l’homme de Salvadorre lui aura été véritablement fatale !