Dialogue national : L’avenir du Tchad se décidera à mi-chemin entre deux extrêmes

« Il faut des négociations et un travail collectif pour trouver l’équilibre réaliste des intérêts sur lequel seulement peut se fonder une paix solide » disait Mikhaïl Gorbatchev, le dernier Président qu’a connu l’URSS et qui fût à l’origine de sa dissolution en 1991. En effet, cela représente peut-être tout l’enjeu de la Commission Ad hoc numéro 1 : Trouver l’équilibre réaliste des intérêts, la très délicate et historique mission confiée aux responsables de la commission Ad hoc instaurée par le Présidium du dialogue national inclusif et souverain.

Deux poids lourds dans leurs domaines respectifs président la Commission Ad hoc. Le Président Ahmed Bartchiret et le Vice-Président Laoukein Kourayo Médard ont l’immense responsabilité de proposer à la plénière, des recommandations concernant des sujets qui constituent la véritable moelle épinière de ce dialogue : la forme de l’état, la charte de la transition, l’éligibilité ou inéligibilité des membres du Conseil Militaire de Transition, et la durée d’une éventuelle reconduction de la Transition.

Deux hommes de principes aux parcours diamétralement opposés

Ahmed Bartchiret, Magistrat hors hiérarchie, ancien Président de la Cour Suprême et apolitique

Le Président du comité Ad hoc est un magistrat d’envergure qui occupe actuellement le poste d’Avocat Général à la Cour de Justice de la CEMAC. Formé à l’Université d’Orléans en France où il en ressort nanti d’une Maitrise en Droit en 1977, il est également diplômé en 1979 de l’École Nationale de Magistrature. À son actif, 43 années d’exercice en tant que magistrat. Un cercle très restreint où, seulement avec quelques-uns de ses paires, ipeuvent se targuer d’être classés « Hors hiérarchie ». Ayant gravi tous les échelons du pouvoir judiciaire, Ahmed Bartchiret débute sa longue carrière en tant que juge d’instruction au Tribunal de première instance de N’Djaména en Août 1979. Il devient Président de la Cour Spéciale de Justice sous l’ex Président Hissen Habré (fonction qu’il continua d’occuper jusqu’en 1993, après le renversement du régime de Habré par Idriss Deby). Désigné Président de la Cour Suprême du Tchad, il occupera ce poste d’avril 1999 à Octobre 2003.Le parcours est à la hauteur de la tâche historique qui lui ait confiée.  

Autre atout majeur dont cet homme de 66 ans dispose, et qui a certainement plaidé pour sa désignation, il s’est toujours tenu très à l’écart de la politique. De ce fait, le choix porté sur lui reflète une certaine neutralité et bénéficie d’un capital probité important et utile dans un dialogue où la confiance entre les partis politiques et les nouveaux maîtres de N’Djaména est très fragile.

Laoukein Médard, chef de parti d’’opposition, Maire de Moundou et fervent partisan du Fédéralisme

Radical opposant du régime du feu Maréchal du Tchad, Idriss Deby Itno, Laoukein Kourayo Médard est connu pour avoir de bonnes bases politiques dans la zone méridionale du pays. Président du parti Convention tchadienne pour la paix et le développement (CTPD), c’est un vétéran de la sphère politique tchadienne, plusieurs fois ministre, mais surtout pendant des années maire la ville de Moundou.  La capitale économique du pays est réputée être le fief de son parti.

Contrairement à Ahmed Bartchiret, Laoukein Kourayo Médard est un rompu de la scène politique du pays. Il est arrivé 3ème à l’élection présidentielle de 2016. Un an plus tard, il a été poursuivi pour des malversations financières relatives à sa gestion de la commune de Moundou. Pour beaucoup d’observateurs, il s’agissait plutôt d’une affaire purement politique pour l’écarter. C’est ainsi que les accusations contre lui ont été requalifiées plus tard car aucune malversation n’a été relevée par les experts engagés.

Après avoir été mis à l’écart pendant environ 4 ans, Laoukein Kourayo Médard a marqué son retour sur la scène politique en reprennent la tête de la commune de Moundou, en avril 2022. Sa désignation par consensus fait suite à un besoin exprimé par les populations du Logone occidental, quelques semaines après une visite officielle du PCMT dans la capitale économique.

L’homme politique a toujours gardé sa casquette d’opposant et membre de la coalition « Wakit-Tama » jusqu’à sa rencontre d’il y a un an jour pour jour, le 28 septembre 2021, où il a été reçu par le Président du Conseil militaire de transition. Le maire de Moundou avait alors donné son accord pour participer aux assises du Dialogue national inclusif.

Trouver l’équilibre entre la pondération du magistrat et l’intransigeance du politique

En ce qui concerne la forme de l’État, des indiscrétions font état d’une tendance au sein du comité Ad hoc, soutenue très fortement par le vice-président Laoukein Médard qui souhaiterait présenter la question du fédéralisme à la sanction du peuple, donc par référendum. Assez minoritaire, peu de chances que cette proposition puisse être retenue mais c’est sans compter sur la ténacité et l’intrépidité du Président de la CTPDH. Les tractations politiques ne sont jamais figées et la question du fédéralisme présente sur toutes les lèvres pourrait faire sa percée.

Autre point d’achoppement, la question de l’éligibilité ou non des membres du Conseil Militaire de Transition (CMT) aux futures échéances électorales et la question de la reconduction de la transition. Si beaucoup d’oreilles indiscrètes qui écoutent aux portes de la salle de travail affirment dès à présent qu’une certaine ligne semble se dégager quant à la dissolution totale du Conseil Militaire de Transition, aucune information ne filtre pour l’heure sur les modalités de leur reconversion. Enfin, nul besoin de confidences pour dire, sans risque de se tromper que Mahamat Idriss Deby dirigera encore le Tchad, mais…pour combien de temps.

Les débats en plénière de ce mercredi 28 Septembre s’annoncent décisifs et beaucoup plus houleux qu’on les a connus depuis leur ouverture le 20 aout.

Lire aussi : Dialogue national : un comité ad hoc mis en place pour le respect du calendrier

Quitter la version mobile