L’art à temps plein est un métier, une profession. Celui qui le pratique devrait en à vivre. Mais joindre les deux bouts avec son art est encore un défi pour l’artiste tchadien.
L’art est pluriel. Les artistes se diffèrent par leurs créativités et par leurs domaines. Mais au Tchad, les artistes, dans leur ensemble, partagent le même défi : celui de vivre de leur art et en faire un travail décent.
Cette question de vivre de son art, de sa créativité est dernièrement au cœur des préoccupations de tous les artistes tchadiens. Selon Mawndoé Célestin, auteur compositeur, on doit marquer un arrêt et se demander « qui est un artiste et qui ne l’est pas ». Après, la réponse à cette interrogation permettra, estime-t-il, de faire une distinction dans ce domaine qui tend à devenir un fourre-tout. Aujourd’hui, avec l’avènement des réseaux sociaux, cette situation ne fait qu’empirer, surtout avec les web-humoristes. Mais pour Mawndoé, une fois l’artiste reconnu comme tel, « comme un boutiquier, il doit avoir une clientèle et au besoin l’agrandir ». Evoquant son exemple, Mawndoé souligne que c’est depuis plus de 20 ans qu’il vit de sa créativité, devenue une profession. Pour lui, « si l’artiste ne vit pas de son art », c’est une mort assurée.
Toutefois, vivre de son art n’est pas aussi simple que cela puisse paraître. L’artiste plasticien Appolinaire Doff en sait quelque chose. Pour lui, en plus de la passion et de l’amour, il faut un autre ingrédient à tout artiste désirant vivre de son art : « c’est se donner du temps pour créer ». Pour cela, Doff conseille qu’il faut avoir « une très bonne démarche, se réinventer, faire des recherches et avoir un discours qui accompagne le tout » pour pouvoir vendre.
Mais dans la réalité, malgré les conseils de ces deux artistes, tant d’artistes doivent enchaîner des boulots qui, parfois, mènent carrément à l’ouest de leur passion. C’est le cas du peintre Kirdassi. Ce dernier, malgré une reconnaissance internationale et des expositions partout dans le monde, peine à faire de la peinture un métier à temps plein. Mais il continue en espérant un jour que cela puisse arriver.
Pendant ce temps, un coup de pouce du ministère en charge de la culture et du Bureau Tchadien des Droits d’Auteur (Butdra) deviennent importants. Mais Doff n’est pas de cet avis, car selon lui, « le ministère n’a signé de convention avec personne » mais, « un soutien institutionnel » est vivement recommandé.
En attendant que la situation change, l’artiste doit se considérer comme embarqué pour emprunter l’expression d’Albert Camus. À cet effet, toujours selon Camus, « L’artiste, […] doit ramer à son tour, sans mourir, s’il le peut, c’est-à-dire en continuant de vivre et de créer ».