Le trafic d’armes au Sahel demeure un pilier central de l’économie de guerre des groupes armés terroristes, servant à la fois d’instrument de violence et de levier financier. Comme le résume Ghada Waly de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) : « Chaque arme illicite en circulation au Sahel est un multiplicateur de menaces ». Cette dynamique s’inscrit dans un écosystème criminel transnational où armes, drogues, minerais illicites et réseaux terroristes s’entremêlent, alimentant une crise sécuritaire régionale sans précédent.
Au Sahel, une partie des armes employées par les groupes armés terroristes proviennent du commerce licite. Ces armes ont été acquises légalement par les forces armées du Mali, du Burkina Faso et du Niger avant d’être capturées par les terroristes. L’autre partie provient du trafic d’armes qui alimente la montée en puissance des groupes armés terroristes, plongeant ces trois pays dans une crise sécuritaire profonde.
La porosité des frontières facilite les mouvements illicites et complique la mise en place démesures de sécurité efficaces. En 2024, le Burkina Faso a enregistré 1 532 décès liés à des actes terroristes, le plaçant au premier rang des pays les plus touchés par le
terrorisme cette année-là. Les récents coups d’État dans ces trois pays ont exacerbé l’instabilité politique, entravant davantage la lutte contre le terrorisme.
La création du G5 Sahel visait à renforcer la coopération régionale en matière de sécurité et de développement. Cependant, en décembre 2023, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur retrait de cette organisation, suivant le précédent départ du Mali, ce qui a affaibli cette initiative régionale. Parallèlement, la fin du mandat de la MINUSMA au Mali, effective au 31 décembre 2023, a réduit la présence militaire internationale, mettant une pression accrue sur des forces locales déjà surchargées.
Un trafic bien rodé
Le trafic d’armes au Sahel est un phénomène complexe qui ne peut être dissocié des autres crises régionales. Il alimente non seulement la violence terroriste, mais aussi les conflits intercommunautaires, l’économie informelle et la corruption des institutions. Le trafic d’armes a également un impact dévastateur sur les populations civiles, entraînant des déplacements massifs et une augmentation de la violence intercommunautaire.
Le Sahel abrite un réseau de trafic d’armes s’étendant sur près de 6 000 kilomètres, selon les données du Small Arms Survey. Ce système repose sur des routes transfrontalières historiquement utilisées pour le commerce transsaharien, aujourd’hui détournées par des groupes armés non étatiques. Le Niger joue un rôle central, avec des axes reliant le Bénin, le Nigeria, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et la Libye. Ces itinéraires permettent l’acheminement d’armes libyennes – héritage de la chute de Kadhafi – mais aussi d’armes artisanales produites dans des ateliers clandestins ou converties à partir d’armes de poing d’alarme.
Le trafic d’armes au Sahel alimente non seulement la violence terroriste, mais aussi les conflits intercommunautaires, l’économie informelle et la corruption des institutions. La solution passerait par un ciblage simultané des routes logistiques, des marchés noirs et des circuits de blanchiment.