Le milieu médiatique tchadien vit, depuis quelques mois, une léthargie. Entre menaces, suspensions illégales des sites d’informations et enlèvements, les journalistes, dans l’exercice de leurs fonctions, sont confrontés à un système qui tend vers le musellement de la presse tchadienne.
Pilier essentiel de la démocratie, la liberté de la presse est menacée au Tchad. Entre intimidations et enlèvements, les journalistes exercent leur métier dans la crainte.
Ces atteintes à la liberté de la presse et aux droits humains fondamentaux ont connu une ascendance en mai avec l’agression du journaliste de Toumaï Web Média, Adam Ramadane Ibrahim, chez lui par trois personnes non identifiées dont deux enturbannées qui se sont présentées comme des agents de renseignement. Après avoir subi une interrogation, il a été passé à tabac.
A Abéché, dans la province du Ouaddaï, deux journalistes ont été arrêtés le 3 juillet 2024 dans l’exercice de leurs fonctions. Selon les informations, ils ont été appréhendés par les autorités locales sans aucune explication claire sur les motifs de leur arrestation. De même, le 23 juillet, le rédacteur en chef de la radio la Voix du paysan a été agressé par un lieutenant de police judiciaire à Doba.
Aussi, en mois de juillet, le site d’information Le N’Djampost a été suspendu par l’ex-conseiller à la Présidence de la République, Abakar Manany, qui avait demandé le retrait d’un article le concernant. Dans une plainte déposée contre le média, il traite l’article de diffamatoire alors que ça ne l’était pas.
Après Le N’Djampost, ce fut au tour de Tchadinfos de subir la suspension de son site d’information pour les mêmes raisons, le 26 juillet 2024. Une situation que le président de l’Association des Médias en ligne du Tchad (AMET), Bello Bakary Mana, qualifie d’obstruction au droit fondamental d’informer.
Alors que le problème de la suspension des deux principaux sites d’information du Tchad n’était pas encore résolu, l’ex-conseiller à la Présidence a menacé au téléphone le président de l’AMET, le 28 juillet 2024, pour avoir dénoncé sa cabale contre les médias en ligne sur la Radio France Internationale (RFI) et dans un communiqué.
Mais les choses ne s’arrêtent pas là. Pas plus tard que ce 07 août 2024, le rédacteur en chef de Tchadinfos, Badour Oumar Ali, a été convoqué par la Police judiciaire du 8ᵉ arrondissement. Selon un journaliste qui l’a accompagné, peu après leur arrivée, il a été enlevé par des hommes armés et encagoulés. Dans un communiqué, la Direction de Tchadinfos a indiqué ne pas savoir ce qui lui est reproché. Néanmoins, elle a eu confirmation que son employé était en audition à l’Agence Nationale de Sécurité de l’État (ANSE).
Toutes ces arrestations, menaces et violences à l’encontre des journalistes témoignent de la gravité de la situation périlleuse de la liberté de la presse au Tchad. Considérées comme une atteinte à la liberté d’informer, elles ont suscité une vague de protestations parmi les professionnels des médias et les défenseurs des droits humains.
Pourquoi violenter les journalistes ? Le Gouvernement doit savoir que les hommes de médias contribuent à l’encrage de la démocratie dans une Nation. Les réduire au silence ou les intimider ne fera que jeter de l’opprobre sur le pays. Les médias du Tchad ne doivent en aucun cas être à la solde du pouvoir de qui que ce soit, ni du Gouvernement, ni d’un individu. « Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie », disait le grand reporter français Albert Londres.
Après Badour Oumar Ali, qui sera le prochain à s’attirer les foudres des intouchables ?