Au Tchad, entre les 25 et 30 de chaque mois, les fonctionnaires des secteurs publics et privés perçoivent leurs salaires. Depuis des années, les guichets automatiques à billets (Gab) peinent à soulager ces travailleurs qui, en plus de souffrir au boulot, traversent un calvaire pour percevoir leurs dus. Pourquoi les banques ne multiplient pas les Gab dans les quartiers du pays ? Bien que ce phénomène perdure, la clémence des salariés en est de trop.
Les fonctionnaires tchadiens sont les plus patients au monde. Surtout quand il s’agit de passer toute une journée à faire la queue devant un Gab, pour percevoir son salaire. Vendredi 24 mars 2023. Il est 12 heures à Moursal dans la commune du 6ème arrondissement. Devant une banque de la place, la file d’attente est longue. C’est le jour de paie. Les fonctionnaires se bousculent comme des gamins dans une cour de récréation. Sourire aux lèvres, ils sont joyeux comme si c’était un salaire annuel. La question qui taraude l’esprit est : pourquoi sont-ils tous pressés de percevoir leurs salaires le même jour au point de s’attirer le regard des passants ? de toutes les façons, tout le monde sait quand le virement passe au Tchad.
Même constat à Paris-Congo, Sabangali et Kabalaye devant les Gab des banques. De ces files d’attente, on se rend compte qu’on est au théâtre. « Je ne peux pas travailler et m’aligner au soleil encore pour percevoir mon argent. C’est vrai que les temps sont dur mais je pense qu’on va devoir économiser et mettre la pression sur les banques afin qu’elles multiplient les Gab dans la ville. Ça éviterait les files d’attente », lance Djarabé Ferdinand, un fonctionnaire en rang pour percevoir son dû. Abdallah Oumar, un autre fonctionnaire de renchérir que les services bancaires au Tchad ne valent pas la peine. « Je suis là parce que mon compte est domicilié ici. Sinon en terme de service, il n’y a pas de qualité au Tchad. Même pour encaisser avec un chèque, ce n’est pas du tout facile les fins de mois. Les fonctionnaires doivent s’organiser pour dire non à ces banques. Ce mal a déjà trop duré », a-t-il martelé.
Pour N. Mélanie, c’est le manque d’argent qui pousse les fonctionnaires à rester dans les rangs. « Si je me retrouve à faire la queue, c’est parce que mon salaire est petit et il faudrait subvenir aux besoins de la famille. On touche et en même temps, ça entre dans les dépenses donc on est pressé toutes les fins de mois. Il y a les soins, la ration, les créanciers et l’éducation des enfants. Quand y a l’argent, il y a les problèmes à résoudre donc faire le rang, n’est pas un problème mais il faut que les banques nous respectent. Elles vivent grâce à nous », a-t-elle relevé.
Du coté des banques, le mal perdure mais c’est toujours un silence de cimetière. Nos tentatives pour avoir leurs versions ont été vaines. Tant que les Gab ne sont pas multipliés dans les 10 arrondissements de la capitale, les fonctionnaires tchadiens seront toujours en rang.