Le dialogue national est entré dans sa phase la plus délicate avec l’épineuse question de l’éligibilité des membres du CMT (Conseil Militaire de Transition) et celle de la prolongation de la transition pour 24 mois. Les questions relatives à ces thématiques ont cristallisé les attentions, jusque dans les chancelleries occidentales. Ces dernières se sont senties obligées de jouer aux équilibristes.
D’abord, c’est la prise de position de l’Union Africaine qui a donné le ton. En effet, à travers son Conseil de paix et de sécurité, l’organisation continentale a rappelé, « sans équivoque », qu’aucun membre du CMT « ne pourra être candidat aux élections à la fin de la transition. » Les représentations diplomatiques étrangères au Tchad lui ont emboité le pas pour exprimer leurs inquiétudes concernant les recommandations issues de la commission ad hoc.
Ainsi, la délégation de l’UE (Union européenne) a parlé de « préoccupation » ; le Royaume Uni a exprimé son « inquiétude » ; tandis que les États-Unis se disent « profondément préoccupés. » Il apparait donc que le communiqué de l’U.A. a servi de lanterne pour un positionnement des délégations occidentales, chose qu’ils soulignent, par ailleurs, dans leurs déclarations respectives.
Un membre du gouvernement contacté se refuse à tout commentaire, pour l’instant, sur ces sorties. Est-ce là le signe de tractations diplomatiques en cours ou le CMT fourbit-il ses armes pour résister aux sanctions qui pourraient arriver ?
Certains caciques de l’ancien régime y voient, quant à eux, la main de Moussa Faki, le président de la Commission de l’Union Africaine à qui l’on prête des ambitions présidentielles au Tchad. Les apparatchiks du MPS n’ont pas oublié ce discours, à l’ouverture du DNIS, de l’ex- chef de la diplomatie tchadienne qui avait fait beaucoup parler en son temps.
« L’exception tchadienne »
Quoi qu’il en soit, si les choses semblent se corser pour le pouvoir en place, c’est aussi à cause des incohérences diplomatiques, de l’Union Africaine et de ses partenaires, nées de l’exception tchadienne. Le scenario tchadien, qu’ils ont soutenu en son temps, fait encore énormément réagir l’opinion publique africaine, qui y voit un deux poids deux mesures, en comparaison à la situation au Mali notamment.
Mais s’il ressort que la communauté internationale ne semble pas prête à avaliser certaines conclusions du dialogue, c’est pourtant elle qui a soutenu et aidé financièrement à la matérialisation de cette grand-messe. Les éléments de langages conciliants, qui ressortent dans les premières parties des communications, tendent d’ailleurs à corroborer cette dissonance cognitive et cet exercice d’équilibriste auquel se livrent les parties prenantes de la transition.
En effet, au-delà de leurs « inquiétudes », la délégation de l’Union Européenne salue « les efforts des participants pour parvenir à un consensus » ; le Royaume-Uni se félicite « d’une participation équitable et inclusif » au dialogue et les Etats-Unis, quant à eux, appellent à « un débat ouvert » pour trancher la question.
Les positionnements assez ambivalents des différentes parties, et l’enchevêtrement entre la souveraineté du dialogue et les lignes clairement tracées par les partenaires du Tchad, ne semblent pas présager un dénouement consensuel autour des recommandations de la commissions Ad Hoc. Cet État de fait, débouchera t-il sur des sanctions contre le Tchad ou l’exception tchadienne survivra-t-elle à ses remous ? Seul l’avenir nous le dira. Pendant ce temps, au DNIS et chez les tenants du pouvoir, c’est le mot souveraineté qui a le vent en poupe.