La salle multimédia du Centre d’Etudes et de Formation pour le Développement (CEFOD) a servi de théâtre, à une conférence débat organisée le vendredi 31 janvier 2025 par la maison de l’histoire et du vivre ensemble. Le thème débattu est « Le Tchad face aux fantômes du passé colonial : quelles leçons tirer pour une refondation des relations franco-tchadiennes ? »
Des éminents enseignant-chercheurs et hauts cadres du pays se sont donné rendez-vous pour traiter d’une question qui n’a que guère intéressé scientifiquement les Tchadiens. Par cette conférence, les Tchadiens et particulièrement les historiens et chercheurs et personnes-ressources, entendent écrire l’histoire. Et ce, dans un contexte local. Il s’agit de l’histoire coloniale tchadienne dont l’acteur principal est la France qui l’a écrit à sa façon. En effet, celle-ci, faut-il le rappeler, a entrepris cette tâche bien avant la proclamation de la République du Tchad. Car, André Gide écrit dès 1928, « Le Retour du Tchad ». Un journal de voyage publié aux éditions Gallimard.
Quatre-vingt-dix sept ans (97 ans) après Gide, cette Maison de l’histoire et du Vivre Ensemble nait dans le but de répondre à la célèbre citation du grand écrivain nigérian Chinua Achebe qui dit « Tant que les lions n’auront pas leur propre histoire, l’histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur ». Les panélistes ont indiqué que la conférence a pour objet de rappeler le passé pour éclairer le présent. Autrement dit, il est question de montrer l’absurdité et l’inanité des propos du dirigeant français en les confrontant au miroir des épisodes douloureux du passé colonial du Tchad.
« Cet exercice ne vise ni à jeter l’anathème sur la France et son peuple, ni à injurier ses dirigeants, moins encore à réveiller les démons du passé pour susciter ou attiser le sentiment antifrançais. Loin de là ! Il s’agit plutôt d’une démarche scientifique consistant à brandir la vérité historique comme réponse à une déclaration politique maladroite et comme base probable d’une refondation des relations franco-tchadiennes dans l’amitié et le respect fraternel », explique Dr Arnaud Dingammaye.
Ainsi, le pays de Toumaï fait face aux fantômes du passé colonial. Car, soutiennent unanimement les panélistes et les autres intervenants, dont des personnalités politiques et publiques tchadiennes, l’exaltation du passé colonial par certaines anciennes puissances impérialistes nourrit depuis longtemps la polémique et empoisonne leurs relations avec leurs anciennes colonies. « C’est le cas du Japon avec la Chine et la Corée du Sud ; de la France avec l’Algérie ; du Royaume-Uni avec le Zimbabwé, etc. A tel point qu’on en est arrivé à parler de « rente mémorielle », explique Dr Mahamat May Mahamat, historien Maître Assistant CAMES.
Au Tchad, les dirigeants politiques ont, depuis l’indépendance, sacrifié ce passé sur l’autel des bonnes relations avec la France, laissant faussement croire au mythe de la mission civilisatrice et de la France bienfaitrice, soutient le géographe Prof. Gouataine Seingué Romain. Pour lui, de tous les pays de la bande sahélienne, le Tchad est probablement le territoire qui a le plus souffert des affres de la colonisation française, et ses fantômes n’ont cependant jamais cessé de hanter la conscience collective des Tchadiens, tant les blessures sont nombreuses et profondes.