Autrefois, selon les récits populaires, les femmes accouchaient sans assistance médicale avancée et faisaient face à peu de complications. Pourtant, malgré les progrès de la médecine moderne, l’accouchement demeure aujourd’hui une épreuve difficile pour de nombreuses femmes dans les centres de santé du Tchad. Le recours à la césarienne, parfois même après un suivi prénatal rigoureux, suscite encore des réticences culturelles.
Certaines femmes restent méfiantes face à cette méthode, craignant qu’elle n’affaiblisse leur santé à long terme. Clémentine, accompagnée de son mari Stéphane, a refusé une césarienne pourtant recommandée par un médecin. Le couple a préféré consulter un autre hôpital. « L’accouchement par césarienne est devenu trop courant. On dirait que les médecins veulent opérer systématiquement. Nous avons pris une autre voie, et j’ai pu accoucher naturellement, sans problème », confie-t-elle.
D’autres, en revanche, perçoivent cette opération comme une solution plus sûre et plus confortable. Vanessa, 19 ans, en est un exemple. Convaincue par sa mère et son médecin, elle a accepté une césarienne : « Mon bébé était trop gros pour mon bassin. J’avais peur, mais le médecin m’a rassurée qu’il n’y aurait ni douleur, ni risque. Et effectivement, tout s’est bien passé », raconte-t-elle.
Le Dr Manikassé Palouma, gynécologue-obstétricien, évoque plusieurs facteurs qui justifient l’augmentation du recours à la césarienne, notamment les mariages précoces. « Idéalement, une femme devrait se marier à 21 ans, lorsque son corps est pleinement formé. Or, beaucoup de jeunes filles au Tchad se marient à 18 ans ou avant, alors qu’elles n’ont pas terminé leur croissance. Résultat : un bassin souvent trop étroit, ce qui rend l’accouchement difficile, surtout si le bébé est gros », explique-t-il. Des pathologies comme le diabète peuvent également rendre cette intervention nécessaire.
Mais malgré les avancées médicales, le taux de césariennes au Tchad reste extrêmement bas : seulement 0,5 %, loin des 15 % recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Pour le Dr Manikassé, ce chiffre est révélateur d’une résistance culturelle forte et d’une méconnaissance des risques, ce qui entraîne des conséquences dramatiques. Environ 860 femmes meurent chaque année lors de l’accouchement, souvent faute d’avoir accepté une césarienne à temps. « Beaucoup de femmes décèdent alors qu’une simple intervention aurait pu leur sauver la vie. Il faut changer les mentalités », alerte-t-il.
Il rappelle que la césarienne est aujourd’hui une opération sûre, bien maîtrisée et plus accessible. Dans certains pays, elle est même préférée à l’accouchement naturel, perçu comme plus douloureux et long. « Un accouchement par voie basse peut durer six à huit heures, avec des douleurs intenses. À l’inverse, une césarienne bien conduite permet une naissance rapide et sans grande souffrance », note-t-il.
En conclusion, le médecin souligne que lorsqu’une femme a déjà accouché deux fois par voie naturelle, une césarienne peut être recommandée pour le troisième accouchement si des risques sont identifiés. Il exhorte les conjoints et les familles à faire confiance aux professionnels de santé et à accompagner les femmes vers un accouchement sécurisé.