Province du Lac : des familles plongées dans le désespoir à cause des exactions de Boko Haram

Les attaques de la secte Boko Haram créent une atmosphère d’angoisse dans la province du Lac Tchad. De nombreuses familles de cette localité sont souvent victimes d’enlèvements, de pillages et d’autres formes de violences depuis près d’une décennie.

« C’était en 2015 quand la secte Boko haram nous avait attaqués. Nous avons fui le Nigeria pour nous réfugier ici au Tchad. Dans ma famille, personne n’est porté disparu mais j’ai vu la douleur que beaucoup ont eu pendant ces épreuves. La femme de mon voisin est actuellement malade, elle souffre d’un trouble mental. Pendant des jours elle ne mangeait ni ne buvait, ne sachant où ils sont partis et ce qui était arrivé aux membres de sa famille. Son mari et ses deux enfants ont été enlevés lors des attaques terroristes. Il y a des familles qui se sont enfui, celles qui ont perdu la vie et celles qui, jusqu’à présent sont malades », nous relate Halatou Souleman, l’une des proches des familles en détresse que nous avons rencontrée au camp de Dar-Es-Salam. Selon elle, cette situation a eu un impact considérable sur son entourage.

A chaque disparition d’un membre de la famille, les proches sont souvent envahis par le doute, la peur et le chagrin. Certains espèrent le revoir un de ces jours alors que d’autres non parce que les personnes enlevées ne font plus signe de vie. Beaucoup sont contraints ou étaient forcés de fuir leurs villages d’origine pour trouver refuge dans des camps de fortune.

« Chaque fois qu’une personne disparaît, une famille attend des réponses. Ballottée entre espoir et désespoir, elle en est réduite à marquer les anniversaires de la disparition, un an, deux ans, dix ans », racontele président du CICR (Comité international de la Croix-Rouge, Peter Maurer. Il poursuit que « Certaines des conséquences les plus horribles des conflits armés sont celles que l’on ne peut pas voir. Quand ces traumatismes sont invisibles, ils sont négligés, ignorés ou jugés non prioritaires ».

Abba, cultivateur et père de 7 enfants que nous avons rencontré au camp de Dar-Es-Salam dans le département de Kaya, province du Lac, ne s’accroche pas à l’espoir de retrouver ses 4 enfants disparus après avoir vécu un bon moment dans le désarroi et le chagrin. « C’était un samedi quand les Boko haram ont attaqué notre village. J’ai 7 enfants mais ce jour, tous n’étaient pas à la maison. Il n’y avait que les 3 plus petits. Et comme les gens fuyaient, j’ai cru que mes autres enfants, puisqu’ils ont un peu grandi, qu’ils auront dû nous devancer. Nous avons pris la pirogue pour arriver ici. Depuis lors je n’ai plus eu nouvelles de mes enfants, et je ne crois pas que je les reverrai un jour, car ces groupes armés enlèvent nos enfants pour aller les former et devenir comme eux. Mes enfants sont encore très jeunes » déplore-t-il.

Parmi ceux qui se noient dans le désespoir se trouve Noura. Elle espère un jour revoir son mari : « c’était tellement difficile d’expliquer à mes enfants pourquoi leur père n’est pas venu avec nous ici. Nous avons constaté qu’on enlevait des personnes y compris mon mari qui a disparu du jour au lendemain sans savoir où il était et cela était devenu répétitif. Alors nous avons décidé de quitter notre village d’origine pour ici. Mes enfants me demandent toujours où est leur père et je réponds toujours qu’il va venir et je le crois. C’est vrai que mes enfants pensent qu’il est mort, mais je les nourris toujours d’espoir », confie-t-elle.

Il faut rappeler qu’à peu près de 13 ans de violences dans le bassin du Lac Tchad, des milliers de personnes disparaissent lors de ces conflits armés ou d’autres crises humanitaires et leurs familles vivent dans le désarroi et l’incertitude sans avoir des nouvelles de leurs proches.

Dans une récente publication de l’OIM, cette situation a occasionné le déplacement de 3.345 individus soit 701 ménages dans la localité de Ngouboua les 13 et 23 septembre 2022. Ils ont trouvé refuge à Malmairi Darsalam et Maria 1 dans la sous-préfecture de bol et de Liwa. 854 ménages, soit 3.775 individus se sont retrouvés à Kalindoua et Farguimi Kiskra.

Le Président de Tranition, Général Mahamat Idriss Deby Itno entouré des responsables militaires lors de son séjour dans la province du Lac / Ph Dircom PR

Pour s’enquérir de la situation sécuritaire dans la province du lac, le Président de la Transition, Gal Mahamat Idriss Deby Itno s’est rendu le 13 novembre dernier à Bagasola, où il a témoigné sa compassion face à la souffrance endurée par la population après avoir reçu les doléances des représentants de différentes couches. Le chef de l’état tchadien souligne que ce groupe terroriste se lance dans les enlèvements contre rançon. « Notre lutte contre ces terroristes doit être réadaptée à son nouveau mode opératoire » a-t-il affirmé.

Malgré l’assistance de la communauté humanitaire à la population qui présente des besoins humanitaires, le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) estime qu’il faudrait faire d’autres efforts pour retrouver les personnes disparues et que les partis aux conflits respectent l’obligation qui leur incombe de rechercher les personnes disparues ou assurer une prise en charge méthodique et digne des morts. Le droit international humanitaire a également établi des obligations visant à prévenir les disparitions dans les conflits armés et à déterminer le sort et la localisation des personnes disparues.

Nadège Hountinto

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