Politique : Le dernier tour de piste de Saleh Kebzabo

Annoncé par Gali Gatta Ngoté sur le plateau de la télévision nationale, Saleh Kebzabo devient ce 12 octobre, le nouveau Premier ministre de la Transition.

Du haut de ses 75 ans, le natif de Léré, chef-lieu de la province du Mayo Kebbi Ouest, est un vieux briscard de la scène politique tchadienne. Homme d’expérience, plusieurs fois ministres et députés, le journaliste de formation, à qui l’on a reproché parfois son ambiguïté, s’engage dans ce qui semble être son dernier tour de piste. Surement le rôle le plus important de sa longue carrière.

Le nouveau Premier ministre du gouvernement d’Union Nationale. AFP-Denis Sassou Guêipeur

Un parcours d’Homme d’État

Elle est loin déjà l’époque où le désormais Premier ministre de la Transition, était un faiseur de roi.

En effet, le président de L’UNDR (Union Nationale pour le Renouveau et le Développement) , parti crée en 1992 et dont il est l’un des membres-fondateurs, avait soutenu Idriss Deby dans son face-à-face avec Kamougué au second tour de l’élection présidentielle de 1996. Un soutien de taille du candidat de l’UNDR (qui ne franchira pas le premier tour) qui a été décisif pour faire basculer l’issue de cette élection en faveur de Deby. Cette alliance lui ouvre les portes du gouvernement dans lequel il fut ministre des Affaires étrangères en aout 1996. Il enchaînera ensuite les portefeuilles : Travaux publics, Transports, Habitat et Développement urbain en 1997 ; Mines, Énergie et Pétrole en 1998 ; Agriculture en 1999.

Les élections de 2001, pour lesquelles il se présente comme candidat (il sortira troisième avec 7 % des voix.) marqueront la rupture de l’alliance avec Idriss Deby. Il quitte le gouvernement et devient par la suite l’opposant farouche qui jouera les trouble-fête jusqu’à la mort du Maréchal.

Député, depuis 1997, il se sert de ce strapontin pour s’imposer comme Chef de fil de l’opposition et finit même deuxième derrière le candidat du MPS aux élections présidentielles de 2016.

1er soutien de la transition

Après le décès brutal du président Idriss Deby Itno le 20 Avril 2021, Saleh Kebzabo est l’un des tous premiers hommes politiques de l’opposition démocratique à avoir accepté la main tendue du Président du conseil Militaire de Transition. Ce soutien de la première heure conduira Mahamat Idriss Deby Itno à lui confier le poste de Premier vice-président du comité d’organisation du dialogue national inclusif séjournera pendant plus de cinq sur le sol qatari avec la délégation du comité technique en vue de négocier avec les politico-militaires sous la supervision du gouvernement du Qatar et de quelques partenaires du Tchad. Sa délégation parviendra à faire signer à une quarantaine de chefs rebelles l’accord de paix pour leurs participations aux assises du Dnis malgré le refus de quelques grands groupes rebelles.

L’homme de la situation

La désignation du président de l’Union Nationale pour Démocratie et le Renouveau n’est pas en soi une surprise tant il coche de nombreuses cases dans l’optique de la mission délicate qui attend le gouvernement d’union nationale. Âgé de 75 ans, Kebzabo a dépassé l’âge légal retenu par le DNIS pour pouvoir se présenter à des futures échéances électorales. Ce détail, pas si anodin, l’exclut d’emblée de certains calculs politiciens dont ferait montre un Premier ministre à l’ambition présidentielle. Aussi, plusieurs fois ministres, député pendant plus de 20 ans, le nouveau Premier ministre de la transition a une connaissance solide de la scène politique tchadienne. Dans une optique de gouvernement d’union nationale, cela représente pour lui un atout majeur. De plus, son parti, l’UNDR est membre de l’Internationale socialiste depuis mars 2017, un plus pour une transition qui a plus que jamais besoin de soutien à l’internationale.

Du pain sur la planche

La mise en application par le Gouvernement d’union nationale du cahier des charges assigné par le Dialogue National Inclusif, la mise en place du Référendum de l’approbation ou du rejet de la Constitution de 1996, au cours duquel, si le Non l’emportait, transformerait le Tchad en un état fédéral, les élections présidentielles qui doivent avoir lieu dans 2 ans maximum avec la mise en place d’un organe crédible de gestion des élections, autant de dossiers urgents qui attendent le premier ministre du gouvernement d’Union Nationale.

En définitif, la personnalité parfois clivante de Saleh Kebzabo n’en finira pas de faire des remous, l’homme aux positions souvent tranchées et au verbe facile dispose, malgré tout, de plusieurs atouts pour faire arriver à bon port le bateau Tchad. Mais, réussira-t-il pour autant ?

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