N’Djamena, ou l’éternel retour du laxisme municipal

Depuis 2021, les interdictions de circulation de camion-bennes en ville se répètent. Les accidents aussi. Et malgré les engagements renouvelés, notamment ceux du nouveau maire de la capitale tchadienne, les textes restent lettre morte.

Les arrêtés se succèdent, les morts aussi. Depuis plus de trois ans, la mairie de N’Djamena édicte, rappelle, insiste. Mais sur le bitume de la capitale, les camion-bennes continuent de circuler aux heures interdites, comme si rien n’avait été dit, rien n’avait été signé. À N’Djamena, la réglementation est rituelle ; l’impunité, elle, est permanente.

Le 17 mars 2025, le maire Senoussi Hassana Abdoulaye signait un nouveau communiqué officiel, rappelant pour la énième fois l’interdiction de circulation des poids lourds en journée. Le texte, rédigé avec une rigueur administrative irréprochable, énonce noir sur blanc les règles : entrée en ville uniquement entre 23h et 6h du matin ; circulation des bennes autorisée à partir de 9h, uniquement pour les ordures et matériaux ; interdiction stricte de tout stationnement en journée sur les voies de la capitale.
Les autorités de sécurité publique sont même citées nommément comme chargées de faire appliquer ces règles « sans aucune exception ».

Mais sur le terrain, la réalité est toute autre.

Depuis plusieurs semaines, les réseaux sociaux tchadiens sont inondés de photos prises par des citoyens, montrant des camion-bennes circulant en plein jour, parfois même à l’heure de pointe. Ces publications, souvent accompagnées de commentaires amers, traduisent une exaspération croissante : celle d’une population livrée à elle-même face à des véhicules de plusieurs tonnes, sans protection, sans recours.

Et ce n’est pas la première fois. En 2021 déjà, une interdiction similaire avait été mise en place, sous la houlette de l’ancien maire de la ville. En 2024, elle avait été reconduite par Hanana Douga. Aujourd’hui, elle est à nouveau « rappelée », mais sans qu’aucune mesure concrète ne vienne en garantir l’application.

Abdoulaye Hassana, en poste depuis moins de deux mois, pourrait plaider le manque de temps pour régler un problème aussi ancien et enraciné. Et le fait qu’il ait choisi, dès les premières semaines de son mandat, de réitérer cette interdiction par communiqué officiel, montre qu’il prend cette question au sérieux.

Mais la persistance des infractions, la circulation continue des bennes aux heures interdites, et la multiplication des accidents souvent mortels, relayés par la presse et par les internautes, menacent déjà d’éroder la confiance placée en lui. Car, comme ses prédécesseurs, il risque d’être emporté par la même spirale : des textes sans effet, des images insoutenables et une population qui ne croit plus aux promesses municipales.

Chaque jour que Dieu fait, de nouveaux accidents sont rapportés, plus graves les uns que les autres. Des piétons fauchés, des familles endeuillées, des scènes de chaos urbain. Et chaque jour, la même impunité. Le non-respect de la réglementation tue. Et personne n’en répond.

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