N’Djaména : les manœuvres, entre recherche de travail et mauvaise foi des clients

Du rond-point Hamama à la grande mosquée Roi Fayçal, en passant par le rond-point « Chinois », des manœuvres qualifiés ou non, munis de leurs outils de travail sont prêts à sauter sur le premier client venu leur proposer du travail. Yeux pleins d’espoir et rivés sur la route, ces pères de familles, pour la plupart à la recherche de leur pain quotidien, sont livrés à toutes sortes de situation et très souvent même à la merci de la loi du plus fort.

Dès l’aube, les abords de la Mosquée Roi Fayçal sont déjà bondés par leurs occupants de la journée, les manœuvres. Comme dans une salle de classe, ils sont organisés de sorte à faire de la place à qui vient d’arriver parmi eux. L’objectif est déjà bien déterminé. A peine, une voiture gare qu’ils accourent tous vers elle, chacun luttant pour gagner le marché. « Si je ne fais pas ça, je risque de passer toute la journée là et rentrer mains bredouilles », lance Martial avec plein de courage et d’assurance. Venus de différents quartiers de la ville de N’Djamena voire même de l’intérieur du pays, ces hommes pour ne pas dire ces jeunes, sont confrontés à diverses situations. Pourtant, ils ne comptent pas lâcher tant que le meilleur ne se présente pas à eux. «  Je n’ai pas d’autre choix que de venir ici dans l’espoir d’avoir un éventuel travail afin de subvenir aux besoins de ma famille. Parfois on peut avoir des clients tout comme ne pas avoir. La semaine dernière par exemple, je suis rentré deux jours successifs les mains vides », ajoute à son tour Bertrand, à la suite de son condisciple.

Pendant qu’ils réfléchissent à comment se faire de l’argent de la journée, ce qu’on appelle communément les risques du métier courent aussi à leurs pieds. Plus d’un d’entre eux ont été victimes de ce qu’on peut qualifier de la méchanceté humaine. « On a un ami à qui il lui a été proposé d’aller dépanner un lavabo et finalement les échos nous sont parvenus comme quoi, il a été amené au nord pour garder les troupeaux », témoigne un des manœuvres. Contrairement à notre interlocuteur témoin, Mbaidiguim a lui-même été victime de la mauvaise foi et ce, plus d’une fois. « Une fois un monsieur a proposé que j’aille arranger son hangar. Sur la base de ce qu’il m’a expliqué, je lui ai donné un prix qu’il n’a pas discuté. Arrivé sur place, je constate que ce qu’il y a à faire est beaucoup plus que ce qu’il m’avait dit. J’ai passé toute la journée à faire son travail pour avoir finalement une somme insignifiante », s’exprime-t-il. Il poursuit en disant qu’ils sont devenus les proies faciles de ces personnes qui veulent tester leur autorité. «  Ce n’est pas la première fois que je suis confronté à ce genre de situation. Souvent je me demande comment ce genre de personnes réfléchit. Ils nous traitent comme si on partait mendier chez eux. Pourtant c’est eux qui viennent nous chercher », se désole-t-il.

Malgré toutes les tracasseries que ces derniers affrontent au quotidien, ils continuent de croire que l’espoir n’est jamais perdu et qu’il faudrait avoir le moral. « Nous subissons beaucoup de choses ici et ce que les autres ne comprennent pas, c’est que nous ne sommes pas là pour le plaisir », balance Lazare déjà remonté parce qu’il n’a pas encore eu un marché depuis hier. A la question de savoir pourquoi ils viennent s’avoir à cet endroit précis, la réponse est unanime. « Nous voulons dignement gagner notre vie et voilà que nous mettons même nos vies en danger ». Comme quoi, il n’y a rien de plus louable que manger à la sueur de son front. Surtout qu’il n’y a pas de sots métiers.

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