Manifestations du 20 octobre : où se situe l’enquête ?

Trois mois après la manifestation sanglante qui a fait, officiellement, plus de 50 morts et 300 blessés, un flou entoure toujours ce qui s’est réellement passé. Où en sommes-nous avec l’enquête qui doit situer les responsabilités ?

Le 20 octobre 2022, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de N’Djamena, la capitale, et dans d’autres villes du Tchad pour protester contre la décision de l’actuel gouvernement de transition de prolonger la période de transition de deux ans. Cette manifestation a causé des pertes en vies humaines, des blessés et des arrestations. Dans une déclaration faite le même jour, le Premier Ministre de transition Saleh Kebzabo avait annoncé une suspension de 3 mois des activités de sept partis politiques qui ont fait appel à cette manifestation et qu’une enquête au niveau national va être ouverte pour pointer du doigt les acteurs de ce drame et situer les responsabilités.

Trois mois sont déjà passés. La suspension des activités des partis politiques a été levée par le ministre de l’Administration du Territoire, de la Décentralisation et de la Bonne gouvernance, Limane Mahamat, le 20 janvier 2023. Mais, le Gouvernement et les organisateurs de la manifestation s’accusent mutuellement. Chacun renvoie la balle dans le camp de l’autre. Une mission d’enquête internationale, acceptée par le gouvernement, est censée apporter la lumière sur la manifestation. Pendant que la mission tire à sa fin, on ne voit personne poindre à l’horizon la problématique des causes de cette répression.

Entre refus de collaborer et l’indépendance de l’enquête

A la sortie de ces violences, la Communauté Economique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), a émis le vœu de mettre en place une commission d’enquête pour situer les faits, chose faite. Mais les leaders de la société civile et des avocats ont remis en cause la question de l’indépendance ou de l’efficacité de cette enquête et ont préconisé une assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour plus de crédibilité.

Du 13 au 21 novembre 2022, les chercheurs de Human Rights Watch ont interrogé les victimes, familles des victimes, témoins, membres d’organisations de la société civile, avocats et représentants du gouvernement. Human Rights Watch a également rencontré le procureur de la République, le conseiller du président en charge des questions de droits humains, et des membres de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) pour leur faire part des conclusions des recherches préliminaires et demander des informations supplémentaires. Human Rights Watch a également sollicité des entretiens avec les ministres de la Justice et de la Sécurité publique, le Premier ministre et le Président de transition, mais ces derniers ont émis un refus, selon le rapport. Ce qui fait poser la question sur la réelle motivation du gouvernement à mener l’enquête.

Même si plusieurs initiatives lancées par des activistes de la société civile et des groupes d’avocats visant à recueillir les plaintes des victimes sont en cours, dans le rapport de Human Rights Watch publié le 23 janvier 2023, « ces efforts pourraient être entravés par l’incapacité des autorités à engager des poursuites à l’encontre des responsables des abus ». Le même document de relever que l’UA (Union africaine) et le Bureau des droits de l’homme de l’ONU devraient travailler avec le gouvernement pour s’assurer de l’ouverture d’une enquête indépendante, crédible, qui respecte les normes internationales ; des ressources suffisantes devraient être disponibles pour mener le travail rapidement et publier ses résultats en temps opportun.

En attendant, l’espoir demeure le seul mot de la plus part des Tchadiens pour que lumière soit faite sur les circonstances de ce drame et que les responsabilités soient situées.

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