Les écoles coraniques : le défi de l’intégration au Tchad et au Sahel

Ph DR

Dans les marges de l’école républicaine, ils étaient longtemps restés hors du cadre : des centaines de milliers d’enfants, appelés mahadjirines, pensionnaires des écoles coraniques traditionnelles, suivant un enseignement religieux souvent déconnecté des standards pédagogiques modernes. Leurs visages sont familiers, leurs réalités moins. Marginalisés du système éducatif formel, parfois en situation de mendicité, ils incarnent l’un des angles morts des politiques publiques d’éducation au Sahel.

Mais depuis ce mardi 15 avril, ces enfants sont au cœur des discussions d’un atelier technique multi-pays, organisé à N’Djamena par le Secours Islamique France (SIF) avec l’appui de l’Agence Française de Développement (AFD). L’objectif : partager les expériences du Tchad, du Sénégal, du Mali et du Burkina Faso pour favoriser l’intégration des écoles coraniques dans les systèmes éducatifs nationaux. Une ambition aussi sensible que stratégique, tant elle soulève des questions politiques, sociales, religieuses et parfois même sécuritaires.

Entre tradition et modernité, une équation délicate

Au Tchad comme ailleurs dans la région, les écoles coraniques représentent une réalité sociale profondément enracinée. Souvent implantées dans des quartiers défavorisés ou en zones rurales, elles offrent aux familles un accès, certes rudimentaire à une forme d’éducation, centrée sur la mémorisation du Coran. Mais pour les défenseurs du droit à l’éducation, ce modèle demeure insuffisant, voire problématique : pas d’enseignement des langues nationales, pas de mathématiques, aucune perspective d’insertion professionnelle.

L’enjeu, selon le ministre tchadien de l’Éducation, Dr Aboubakar Assidick Choroma, est de ne plus opposer tradition et modernité, mais de construire des ponts. Lors de son allocution d’ouverture, il a salué l’initiative comme une avancée vers une éducation « inclusive, équitable et de qualité », en cohérence avec l’Objectif de Développement Durable numéro 4 (ODD 4) des Nations unies, insistant sur la nécessité d’harmoniser les cadres juridiques nationaux avec les engagements internationaux du Tchad.

Les pays du Sahel sont confrontés à des défis similaires : explosion démographique, déficit d’infrastructures scolaires, faible taux de scolarisation, surtout en milieu rural. Dans ce contexte, l’école coranique apparaît à la fois comme une solution de repli et un facteur de reproduction de l’exclusion.

Mais les réformes entamées dans certains pays montrent qu’un dialogue est possible. Le Sénégal, par exemple, a expérimenté l’introduction de matières générales dans les daaras. Le Burkina Faso développe un modèle d’écoles passerelles pour faciliter l’intégration des enfants dans le cursus formel. Le Tchad, lui, amorce à son tour ce virage.

Dans une région fragilisée par l’instabilité, faire entrer l’école coranique dans la République n’est pas un luxe. C’est peut-être l’un des défis les plus cruciaux de la décennie à venir.

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