Le Tchad, à l’instar d’autres pays en développement, se caractérise par l’épineuse question du manque de financement. Des efforts ont été fournis pour attirer des financements étrangers et mobiliser les ressources locales, mais jusqu’à présent le déficit criard de
financement persiste, d’où la nécessité d’explorer d’autres alternatives. La solution que nous proposons à travers cette tribune ne va nullement endetter davantage le pays, mais vise plutôt la mobilisation massive de l’épargne nationale. Tirant les conséquences du récent Plan National de Développement (PND) et au regard de la conjoncture économique actuelle, nous pensons qu’il est urgent de mettre en place une Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Il s’agit d’une institution de promotion économique investie des missions d’intérêt général ayant pour crédo un soutien systématique aux politiques publiques. Cette institution est un outil crédible d’appui aux politiques de développement.
Les missions de ce pôle financier public sont multiples et diverses. Selon notre conception, cette institution doit avoir une autonomie administrative et de gestion financière. C’est le préalable. Ensuite, la CDC pourrait avoir une obligation de transformer ses dépôts en emplois, chose qui implique la possibilité pour la CDC d’être prêteur et investisseur. La CDC peut également investir dans les secteurs de l’économie, plus précisément dans des domaines prioritaires d’intérêt général (par exemple le logement, la santé, le transport, les écoles, les routes, etc.) préalablement identifiés par l’État. Toutefois, ce véhicule financier ne doit pas avoir d’actionnaires, moins encore être sous la tutelle d’un ministère. Enfin, la CDC doit prêter et investir uniquement dans le secteur financier public. Au regard de l’accentuation des effets du changement climatique et compte tenu de la forte exposition du pays à l’instabilité climatique, il est également utile d’orienter cet outil vers le financement vert.
Le fonctionnement de cet arsenal financier local doit être lucide et tourné vers la gestion axée sur le résultat. Afin de garantir le
non-endettement de l’État dans la mise en place et le fonctionnement de cet outil, il faut en amont créer au moins deux instruments publics de collecte de l’épargne nationale. Ces instruments pourraient prendre la forme des Livrets d’Épargne Populaire (LEP) et Livret d’Épargne (LE), etc. dans toutes les banques installées au Tchad.
En effet, chaque banque doit déposer le ¾ du montant collecté dans le cadre de ces livrets auprès de la CDC (ce qui implique l’obligation pour toutes les banques d’avoir un compte auprès de la CDC) moyennant une contrepartie. Ensuite, tous les dépôts juridiques et consignations devraient être mis à la CDC, ce qui implique aussi une obligation faite aux notaires et avocats d’avoir un compte auprès de la CDC et enfin une obligation de passer par un notaire pour effectuer toute transaction immobilière. Cette transaction immobilière devrait passer obligatoirement par un notaire. En effet, l’argent doit transiter par le compte du notaire avant d’être transféré à l’acheteur. Ceci permet d’avoir plus de flux en temps réel pour la CDC. Il est prévu que cet outil collecte toutes ces ressources pour investir dans les domaines prioritaires d’intérêt général (Par exemple l’énergie, les mines, le logement, la santé, le transport, les écoles, les routes, etc.) ; faire des prêts aux collectivités, prendre des participations dans les secteurs ci-dessus, investir dans les obligations, les actions, etc.
C’est ainsi que ce véhicule financier public pourra avoir une autonomie financière, donc faire face à ces charges incompressibles et
financer le développement. Les bénéfices générés par cet outil pourraient en partie financer une partie du déficit budgétaire du pays et faire face à d’autres engagements d’intérêt public.
Cette proposition, certes non parfaite, pourrait contribuer à pallier au problème récurrent de déficit du financement de l’économie et
devrait permettre d’éviter qu’à la moindre difficulté, le pays tende la main à l’extérieur. Le Tchad, notre pays, ne peut plus se faire
l’économie d’une telle réforme. La réussite ou le succès de la CDC passe absolument par la nomination et le recrutement des personnes qualifiées et au-dessus de tout soupçon. Pour mieux encadrer son fonctionnement, la CDC devrait être chapeauté par un conseil de surveillance composé des parlementaires, qui peuvent à tout moment auditionner les responsables de la CDC et les destituer en cas de fautes graves dans l’exercice de leurs fonctions.
Vivement que cette réforme soit mise en place !
HISGUIMA DASSIDI Crépin
Doctorant en Sciences économiques à l’université d’Orléans