Initiée par les Nations Unies, la journée mondiale de l’eau est célébrée le 22 mars. Elle permet de rappeler d’une part l’importance vitale de l’eau, d’autre part de mener des analyses et proposer des stratégies pour résoudre la crise mondiale de l’eau. En Afrique, les impacts dévastateurs de cette crise touchent de nombreux pays.
Cinq ans avant la date estimée, le plan ODD 6 mis en place par l’ONU est encore très loin d’être abouti. Pour rappel, ce projet, mené par plusieurs États, vise à atteindre d’ici 2030 un accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous, partout dans le monde, sans impact environnemental. Alors que la journée de l’eau se tiendra le 22 mars, sur le thème cette année de la « préservation des glaciers », les chiffres sont plus qu’alarmants. Selon le rapport mondial des Nations-Unies 2024, publié par l’UNESCO, 2,2 milliards de personnes sont privées d’un accès sûr à l’eau potable. Ajouté à l’accès à l’assainissement, ce chiffre atteint 3,5 milliards. D’après la Banque mondiale, « d’ici 2030, il y aura un déséquilibre de 40 % entre l’offre et la demande en eau, loin des objectifs souhaités par ODD 6 » et « 3,2 milliards de personnes risquent de vivre dans des régions en proie à de graves pénuries d’eau » d’ici 2050.
L’eau n’est pas seulement une ressource vitale pour l’alimentation, l’hygiène et la santé, elle est aussi un enjeu crucial pour le maintien de la paix et le développement durable et économique. Partout en Afrique, de nombreux pays font face à la crise de l’eau. Elle se traduit par une réduction drastique des sources d’eau, des pénuries, et un manque d’accès aux soins d’hygiène et de santé et aux services d’assainissement (traitement d’évacuation et purification des eaux usées). Le stress hydrique est l’une des principales caractéristiques de la crise de l’eau en Afrique. Il est défini par une insuffisance des ressources en eau disponibles par rapport à la demande, ou par une mauvaise qualité de l’eau (saumâtre, pollution liée aux rejets industriels). Selon l’OMS, le stress hydrique est spécifié par une disponibilité de 1700m3 d’eau par an et par habitant. Entre 1700 et 1000m3, il s’agit d’une pénurie, et en-dessous de 1000m3, d’une rareté de l’eau. Les causes du stress hydrique sont celles de la crise de l’eau : pollution, croissance
démographique qui entraîne une plus grande demande en eau, agriculture intensive, gaspillage, déforestation. Les aléas climatiques ont un impact conséquent : la sécheresse et la canicule provoquent l’assèchement des lacs, des rivières et des sols et les inondations entraînent la contamination des ressources en eau.
Les pays africains touchés de plein fouet
D’après les Nations-Unies, en 2024, 1/3 des Africains « vivent dans des environnements où l’eau est rare » et « 76 % de la population n’a pas accès à l’eau potable dans certaines régions d’Afrique. » L’Organisation Météorologique Mondiale alerte sur la hausse des températures en Afrique, « légèrement supérieure à la moyenne mondiale », sur les sécheresses et sur les conséquences désastreuses si des mesures ne sont pas prises rapidement. Ce serait plus de 118 millions de personnes dont les conditions de vie sont très pauvres (« moins de 1,90 dollar É.-U. par jour ») qui affronteront les conséquences de la sécheresse, des inondations et des chaleurs extrêmes d’ici 2030. Une étude des États des Nations-Unies estime qu’en 2030, + de 250 millions de personnes habitant sur le continent vivront dans des territoires où l’eau est rare, ce qui entraînera le déplacement de 24 à 700 millions de personnes. De l’Afrique de l’Ouest à la Corne de l’Afrique, de l’Afrique Australe aux pays du Nord, la crise de l’eau touche tout le continent. Selon l’OCHA, le Tchad, le Niger, le Nigeria, et la RDC sont les plus touchés par les inondations. La BBC
signale qu’en 2024, l’Afrique Australe fait face a l’une des pires sécheresses, privant au moins 70 millions de personnes de ressources en eau et nourriture suffisantes.
Des conséquences mortelles
Le manque d’eau provoque des crises alimentaires catastrophiques et des conflits, constituant une menace pour la sécurité nationale. Sans eau, ou avec une eau polluée, les citoyens n’ont plus d’accès aux services d’hygiène ni aux soins, et sont fortement exposées aux maladies. En 2023, l’Afrique du Sud est touchée par une épidémie de choléra, qui a causé la mort de plusieurs dizaines de personnes. Le ministère de l’Eau et de l’Assainissement estime que plus des 2/3 des stations d’épurations du pays « sont dans un état critique ». Le choléra se développe notamment par l’absorption d’une bactérie dans des aliments contaminés ou une eau polluée. Les citoyens dénoncent une « gestion étatique désastreuse des eaux usées » et « la corruption des élus locaux ». Lors de la semaine nationale de l’eau 2025, le ministère de l’Eau et de l’Assainissement renouvelle la sensibilisation sur l’« utilisation de l’eau avec parcimonie ». Les habitants ont vu se réduire la consommation d’eau, avec un seuil à ne pas dépasser. Au Soudan, la crise de l’eau s’ajoute à la guerre civile qui déchire le pays. À cause de la pénurie, l’eau est vendue beaucoup plus chère, c’est le cas notamment à Khartoum, Omdurman et Port- Soudan. Par ailleurs, plusieurs conflits ont lieu entre les éleveurs nomades et les agriculteurs locaux, souvent pour avoir accès aux rares points d’eau, pour les humains et pour le bétail. Ces tensions entraînent parfois des meurtres et des enlèvements.
L’Afrique de l’Ouest est frappée de plein fouet par « les trois plus grandes menaces liées à l’eau », qui sont l’inaccessibilité aux services de soin et approvisionnement en eau, les maladies qui en résultent, et les changements climatiques. D’après un rapport UNICEF de 2023, 190 millions d’enfants de 10 pays africains font face à cette triple menace. Le rapport de l’ONU 2024 alerte sur des niveaux de sécurité de l’eau « inacceptablement bas ». Les régions du MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) sont les régions les plus touchées par « la plus faible disponibilité annuelle d’eau par personne (480m3 par habitant en 2023) ».
Quels sont les dispositifs mis en place pour lutter contre la crise de l’eau ?
De nombreux pays africains proposent des stratégies pour améliorer la gestion de l’eau. Les pays du MENA initient plusieurs moyens technologiques, comme le dessalement et la réutilisation des eaux usées, ce qui permet de diminuer les pertes et le gaspillage. En recueillant des informations sur les aléas climatiques, les précipitations et les données relatives aux niveaux des eaux, il sera possible de mieux anticiper les catastrophes naturelles (inondations et sécheresses) et de prendre des décisions mieux adaptées. De plus, ces dispositifs permettront de créer de l’emploi dans le secteur de l’eau, et d’assurer une agriculture moins intensive, une meilleure gestion de l’utilisation de l’eau et de l’énergie (hydroélectricité), et de se diriger vers les énergies renouvelables.
En 2024, le gouvernement sénégalais annonce plusieurs mesures pour améliorer l’accès et la gestion de l’eau, comme l’initiation d’un « Programme national d’accès sécurisé à l’eau et à l’assainissement » ou la création d’une « haute autorité chargée de la régulation du secteur ». Le coût de ces dispositifs est estimé à 1627 milliards de francs CFA.
En 2024, au Mali, la journée mondiale de l’eau, en partenariat avec l’UNESCO et en présence du ministre de l’Agriculture, M. Lassine Dembélé, permet de rappeler le rôle crucial de l’eau dans le maintien de la paix, alors que les effets du changement climatiques ont de plus en plus d’impact.
L’importance cruciale des partenariats nationaux et internationaux
En janvier 2025, le Fonds arabe pour le développement économique et social (FADES), en partenariat avec la Banque mondiale, organise le Forum du MENA au Koweit. Cet évènement permet au ministre marocain de l’Équipement et de l’Eau Nizar Baraka et à la ministre mauritanienne de l’Eau et de l’Assainissement Amel Bent Maouloud d’échanger sur les solutions de préservation et de gestion de l’eau, les moyens d’anticipation face aux aléas climatiques et les moyens financiers pour l’instauration des dispositifs. Parmi ces solutions, ils évoquent le dessalement de l’eau de mer, l’installation de stations mobiles de dessalement pour les régions les plus isolées, la construction de barrages et la question d’une « interconnexion hydrique entre bassins pour optimiser les ressources disponibles et assurer une distribution équitable ». Une initiative soutenue par la Banque africaine de développement. Le Maroc est l’un des pays les plus touchés par le stress hydrique. La consommation d’eau est de 600m3 par habitant par an, alors qu’elle était de 2600m3 en 1960. Un chiffre qui peut descendre à 500m3 « si la tendance se poursuit », alerte Nizar Baraka. Tous les jours, c’est plus d’un million et demie de mètre cube d’eau qui sont perdus à cause de l’évaporation. Il mentionne également les conséquences liées à la surexploitation des nappes, qui à terme, vont provoquer l’exploitation des « réserves futures ».
En 2024, la Banque mondiale, en partenariat avec le GWSP (Global Water Security & Sanitation Partnership) lance le projet « Fast Track Water Security and Climate Adaptation Global Challenge Program ». Il s’agit d’instaurer des mesures afin de pallier les aléas
climatiques, augmenter les dispositifs de sécurité lié aux secteurs de l’eau, par le biais d’investissements matériels et financiers, notamment dans les zones confrontées à la guerre, et améliorer les systèmes d’irrigation et d’assainissement. En République
démocratique du Congo, le partenariat entre la Banque mondiale et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), ont pour projet d’améliorer les moyens d’accès à l’eau et à l’assainissement.
La journée internationale de l’eau permet de revenir non seulement sur les enjeux vitaux liés à l’eau, sur les situations catastrophiques auxquelles de nombreux pays sont confrontés, mais aussi sur l’importance cruciale des partenariats et soutiens
internationaux, matériels et financiers, afin de lutter contre la crise mondiale.