Le porte-parole du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT), la plus grande coalition rebelle ayant mené les opérations soldées par le décès de l’ancien président de la République, le Marechal du Tchad, Idriss Deby Itno en avril 2021, Issa Ahmat a accordé une interview à votre journal Le NDjam Post. L’entretien est basé sur des questions liées à l’actualité et l’avenir du mouvement ainsi que ses rapports notamment avec le parti Les Transformateurs et le groupe Russe Wagner.
Le NDjam Post : Il y a quelques semaines, le journal Wall Street (WSJ), dans une publication a laissé entendre que vous auriez un rapport avec le groupe militaire russe dans le but de prendre N’Djamena en main. Cette affirmation est-elle vraie ou fausse ?
Issa Ahmat : Il faut noter au passage que le WSJ n’a, à aucun moment, mentionné explicitement que le Fact est soutenu par Wagner. Le Fact a été, par le passé, tantôt qualifié de groupe terroriste, tantôt de groupe islamiste, mercenaire etc. La nouvelle rhétorique de nos détracteurs ne nous surprend guère. Nous n’avons aucune accointance ni proche encore moins lointaine avec ce groupe. Est-il nécessaire de rappeler que le Fact est un mouvement politico-militaire fondé par des Tchadiens comme vous et moi dans l’unique but de lutter contre la dictature. Lorsqu’un groupe confisque le pouvoir, réprime systématiquement son peuple, la lutte n’est plus une option mais elle devient une nécessité. C’est dans cet esprit que le Fact a vu le jour et continuera à se battre pour faire triompher les idéaux de justice, d’égalité et de de liberté bref un Etat de droit et des institutions démocratiques au Tchad.
Quel est l’avenir du Fact pendant cette deuxième phase de la Transition et après ?
Le Fact demeure fidèle à ses principes et poursuit inéluctablement son chemin et ne situe pas son avenir par rapport à une transition. Nous n’avons participé ni à la première et encore moins à la deuxième phase d’une transition qui n’engage que la junte.
Quelle lecture faites-vous de ces douloureux évènements du 20 octobre notamment les différents rapports annoncés par le gouvernement, les ADH et autres ?
Il s’agit purement et simplement d’un crime contre l’humanité ce qui s’est passé le jeudi 20 octobre 2022. Nous n’oublierons pas les enfants, les femmes et hommes qui ont été froidement abattus par les milices de cette junte. Les souvenirs des massacres de Faya, Abéché, Sandana… sont encore dans nos esprits. Au lieu de nous associer au groupe Wagner, la junte ferait mieux de répondre de toutes ses forfaitures. Nous saisissons cette occasion pour lancer un appel solennel aux nations libres de prendre toutes les dispositions nécessaires afin que les auteurs de tous ces massacres soient déférés devant une juridiction internationale. Le peuple tchadien est victime du terrorisme d’Etat. On ne peut concevoir la lutte contre le terrorisme avec un État qui terrorise et massacre sa population.
Le porte-parole du gouvernement a annoncé l’inexistence d’un groupe rebelle sur le territoire, qu’en dites-vous ?
Ce n’est pas au FACT de procéder à un décompte des rebellions sur le territoire national mais bien à l’Etat qui ne parle pas d’une seule voix sur cette question.
Que pensez-vous de la situation actuelle au nord du pays, parlant de Miski et son comité d’autodéfense ?
Cette situation est la conséquence d’un délitement de l’Etat, d’un Etat incapable d’exercer son autorité sur l’ensemble du territoire. Lorsqu’un Etat n’assume plus son rôle régalien d’assurer la sécurité, il est normal que les citoyens s’organisent pour prendre en charge leur sécurité. Je paraphrase (NDLR) Jean Jaurès qui disait ‘’qu’un Etat failli porte en lui les milices comme le capitalisme porte en lui la guerre’’.
Quel lien entretient le Fact avec d’autres acteurs politiques tchadiens notamment l’opposant Succès Masra ?
Quel autre lien peut avoir le Fact qui est une rébellion armée, avec un parti politique légal si ce n’est que nous luttons l’un et l’autre pour instaurer dans ce pays un nouvel ordre politique fondé sur la justice, l’égalité et la liberté.