La télévision nationale nigérienne a diffusé le jeudi 22 février les images d’une saisie d’armes en plein cœur de Niamey, réalisée les 19 et 20 février dans une villa du quartier Francophonie Extension Tchangarey, et plus précisément au siège de la mission européenne EUCAP Sahel. Les autorités nigériennes ont affirmé que cette perquisition d’armes est la preuve que la France préparait des actions de déstabilisation contre le régime nigérien. Les éléments collectés par la cellule de vérification du journal RFI montrent que ces armes appartiendraient en fait aux éléments de la mission européenne EUCAP Sahel, présente au Niger depuis août 2012 pour participer au renforcement des capacités des forces de sécurité nigériennes, et non pas aux militaires français. « Un nouvel épisode dans la guerre informationnelle que mène la junte nigérienne contre la France ».
Dernier épisode en date donc, un reportage de la télévision nationale nigérienne accusant la France de préparer des actions militaires contre la junte après une perquisition menée dans une villa de Niamey. Les images ont été diffusées par la RTN, la télévision nationale, puis reprises sur le compte du CNSP (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie). On y voit notamment la police et la gendarmerie nigériennes découvrir des armes entreposées (fusils d’assaut, pistolets, grenades…) avec pour commentaire : « Voici l’arsenal que les militaires français ont laissé derrière eux », la France étant accusée de poursuivre une « stratégie de déstabilisation » contre la junte nigérienne.
Cependant, les vérifications menées par la cellule désinfox de RFI ont montré que les armes perquisitionnées par les forces nigériennes, et notamment les fusils d’assaut AR18, ne sont pas utilisés par l’armée française. De même, d’autres éléments viennent corroborer la désinformation : certains équipements, comme les gilets pare-balles ou les munitions, sont rattachés aux équipements utilisés par les éléments européens. Après recoupements, il apparaît que la villa perquisitionnée servait à loger des éléments d’EUCAP Sahel.
Une porte-parole de l’Union Européenne (UE) a par la suite confirmé ces éléments de vérification : « Lundi soir, sans avertissement préalable ou coordination, les Forces de sécurité intérieures nigériennes ont pénétré dans les bâtiments de la mission civile Eucap à Niamey. Elles ont procédé à des fouilles et ont réquisitionné une certaine quantité de matériel de protection […]. Cet événement regrettable vient s’ajouter à d’autres incidents hostiles et injustifiables contre l’UE et ses États membres au cours des derniers mois. L’UE regrette profondément ces incidents qui ne reflètent en rien la relation de confiance qui s’était créée entre la mission Eucap et les autorités nigériennes durant près d’une décennie. L’UE dénonce le non-respect flagrant par les autorités militaires de fait des privilèges et immunités accordés par l’accord juridique conclu entre le Niger et l’UE (SOMA – Status of Mission Agreement), mais aussi de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. »
Dès le mardi 20 février, une source sécuritaire française avait pointé « le risque d’une possible campagne de désinformation à partir des images des matériels saisis ». Loin de constituer un incident isolé, cette infox entre dans le cadre d’une entreprise de désinformation contre la France construite sur le long terme par la junte nigérienne, à travers l’utilisation d’images réelles sur lesquelles un narratif hostile à la présence française en Afrique est superposé.
Pour rappel, en septembre 2023, la France a été accusée de préparer un complot contre le Niger après la découverte d’une tenue militaire burkinabè dans un véhicule sortant de l’ambassade de France. Alors que la vidéo s’est retrouvée en Une des journaux télévisés nigériens, les vérifications ont montré que les affaires étaient celles d’un coopérant militaire français précédemment en poste au Burkina Faso. De même, en octobre, la junte nigérienne avait publié sur sa chaîne WhatsApp officielle une vidéo accusant la France de former des terroristes au Sahel ; alors qu’il s’agissait d’une vidéo tournée lors d’une séance d’entraînement de l’armée malienne au nord du Mali, peu avant le retrait de la force Barkhane.