Amine Idriss : « La grande pauvreté continue d’étouffer notre Nation »

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Si les couleurs se sont succédé de la place de la Nation à N’Djamena aux Tribunes provinciales, laissant apparaître des défilés militaires, l’hymne national, le tricolore tchadien et les autorités du pays, les Tchadiens avertis s’interrogent. Ils ne mâchent pas les mots. Que reste-t-il de notre rêve d’indépendance ? Une question, on ne peut plus légitime.

« 11 août, en ce jour commémoratif d’une prétendue libération, le Tchad se souvient », commence Amine Idriss, analyste politique et économiste tchadien. Pour lui, le 11 août 1960, cette date gravée dans l’histoire du Tchad, aurait dû marquer le début d’une ère de liberté, de prospérité, et de renouveau pour le peuple tchadien. Mais cette indépendance, tant célébrée à l’époque, a rapidement révélé son visage trompeur, regrette-t-il. « Derrière les discours enflammés et les promesses d’avenir radieux, une histoire de douleur, de trahison, et de violence commençait à s’écrire », déclare Amine Idriss.

Depuis cette nuit où nos grands-parents ont arraché leur liberté, nous avons traversé des décennies de tourments, ajoute Amine Idriss, l’économiste et analyste politique tchadien. « Les révoltes populaires de Mangalmé en 1965, les premiers cris de désespoir étouffés par un pouvoir sourd et brutal, furent les prémices d’une longue série de souffrances. Le FROLINAT, né dans la chaleur oppressante de notre Sahel, était une révolte légitime, une aspiration populaire à la justice et à la dignité. Mais les espoirs qu’il portait ont été trahis, dévoyés, rapidement après la mort de son fondateur, transformant ce rêve en une autre tragédie nationale », récapitule-t-il.

Dans cette lignée, Amine Idriss rappelle les aléas de la vie des Tchadiens depuis ces années de première gouvernance locale. Citant le recours consécutif aux armes, les coups d’État, les rébellions, les prises de pouvoir par les armes jusqu’à l’euphorie de la démocratie annoncée en 90 à la production du pétrole qui n’ont engendré que dictature et pauvreté, selon ses mots.

À l’instar de bien d’autres citoyens tchadiens, l’économiste Amine Idriss trouve un jour qui se veut symbolique, mais qui n’en est pas un. « Mais, en ce jour commémoratif, que reste-t-il de notre rêve d’indépendance ? La grande pauvreté continue d’étouffer notre nation, notre système éducatif est en ruines, notre pays est affamé, l’urbanisation incontrôlée et la gestion catastrophe de l’économie exacerbent les inégalités et les injustices, tandis que la corruption morale et éthique en politique n’a jamais été aussi profonde », martèle-t-il.

Pourtant, ajoute Amine Idriss, la jeunesse tchadienne, ouverte sur le monde, avide de changement, porte en elle l’espoir d’un autre Tchad. Le chemin est encore long, semé d’obstacles, mais le Tchad, malgré ses blessures, avance. « Parce qu’au-delà des trahisons, au-delà des violences, il existe un peuple qui refuse de renoncer, un peuple qui croit encore qu’un jour, le rêve d’une véritable libération deviendra réalité », laisse entendre Amine Idriss, économiste et analyste politique tchadien.

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