La consommation d’alcool frelaté par les jeunes tchadiens prend une ampleur inquiétante, malgré son interdiction par les autorités du pays.
Les alcools frelatés, emballés le plus souvent dans des sachets, sont aujourd’hui à la mode dans tout le pays. Les points de vente ne se comptent plus à N’Djamena et les tenanciers aménagent des espaces bien équipés, des chaises et des tables à l’instar des débits de boisson. Selon un rapport de l’OMS, publié il y a quelques années, les Tchadiens seraient les plus grands consommateurs d’alcool pur par an. Quelle catastrophe ! Pourquoi ces alcools frelatés ravissent-ils la vedette auprès des jeunes tchadiens au point d’être consommés de manière aussi inquiétante ?
A entendre les jeunes consommateurs et vendeurs, les raisons sont nombreuses. D’abord, le chômage est devenu endémique. Ensuite, la pauvreté, un phénomène qui affecte la plus grande majorité des Tchadiens. Tous ces facteurs poussent les jeunes à se réfugier dans la consommation des alcools frelatés.
Aujourd’hui, l’alcoolisme touche tout le monde et surtout les enfants dès le plus jeune âge. Hervé, un jeune coordonniers que nous avons rencontré à Boutalbagar dans le 7ème arrondissement de N’Djamena nous confie : « c’est devenu une habitude pour moi, car je ne peux pas m’en passer. Pour que ma journée commence bien, je dois absolument prendre trois ou quatre sachets d’alcool frelaté (Johnny, Lion d’or ou Officier). Après ce petit déjeuner énergétique, j’ai la force de tenir le coup toute la journée ».
Jacqueline, une vendeuse rencontrée dans le même quartier renchérit : « c’est un business qui rapporte beaucoup d’argent, car il me permet de joindre les deux bouts. Avant, je faisais le commerce des pistaches, mais j’écoulais à peine deux kg/mois. C’est avec le commerce de ces alcools frelatés que je paye aujourd’hui la scolarité de mes deux enfants, car mon mari ne travaille pas. C’est un diplômé sans emploi. Je suis infirmière de formation mais sans emploi également. Je sais que les alcools frelatés sont des produits de contrebande dangereux pour la santé, mais je n’ai pas d’autres alternatives, je dois vivre et m’occuper de mes progénitures ».
Selon Dr Djimtolyan Yangar Étienne, Algologue au Centre Diocésain de Recherche Action en Alcoologie (CEDIRA) que nous avons avons rencontré affirme : « Ces alcools frelatés contiennent des substances très nocifs. Un metanol qui contient des substances hyper toxiques sa consommation de manière abusive peut détruire le foie et engendrer à la longue des cirrhoses alcooliques. Sur le plan psychologique, les buveurs pensent que la consommation d’alcool permet de diluer les soucis et oublier les problèmes. C’est le contraire, car une fois l’alcool dissipé, les problèmes demeurent entiers et s’enracinent davantage ».
D’après le sociologue Mbété Félix, ce qui pousse beaucoup plus les jeunes à consommer de l’alcool frelaté c’est la misère, la pauvreté, le manque de contrôle et l’ignorance. « Les jeunes ont une mentalité marrée c’est à dire une forme de folie, d’idiotie ou soit perdu dans la nature. Ils ne voient pas les dangers qu’ils encourent pour s’adonner à l’alcool. Il est déconseillé aux femmes de consommer de l’alcool par ce qu’elles n’assument pas leur devoir au foyer et une fuite de responsabilité qui s’installe dans la famille ».
La consommation de l’alcool frelaté bien qu’interdite, est devenue un phénomène social qui a ravi la vedette auprès des jeunes, voire les personnes âgées. Les conséquences qui en découlent sont désastreuses : crime, viol, vol, accident, etc. Que fait donc l’État face à ces dérives?Pourquoi les forces de défense et de sécurité aux frontières laissent passer ces produits de contrebande très dangereux pour la population ? Les autorités de la République doivent prendre des mesures drastiques dans ce sens.