Entre le retour de Masra Succès, l’amnistie générale et son refus par la société civile tchadienne, un roman vient trancher sur les événements malheureux du 20 octobre 2022. Paru aux éditions ACCOM en août 2023, sous la plume d’Ali Abdelkerim Abdoulaye et Ali Goukouni Beremi, « La piste des charniers » est un livre pour marquer l’histoire.
C’est un roman basé sur les témoignages poignants et sanglants des manifestations pacifiques qui ont conduit à un bain de sang le 20 octobre 2022. Il est ouvert sur un dicton d’une rare notoriété : « là où le sang a coulé, l’arbre de l’oubli ne peut grandir ». Cela laisse entendre que l’on ne peut jamais oublier des actes de violence qui ont entrainé des morts d’hommes. Les deux auteurs dudit roman, Ali Abdelkerim Abdoulaye et Ali Goukouni Beremi, tiennent en haleine le lecteur à travers des émotions sur 217 pages.
L’on peut lire, déjà dans le paratexte de « La Piste des charniers », le sang versé et les traces des pas qui l’ont traversé. Une image d’horreur absolue. « Au soir du 20 octobre, un speaker aux larmes de crocodiles vient à la télévision royale annoncer une subversion avortée dont le bilan est de 15 neutralisés du côté des insurgés, trois héros sacrifiés du côté des forces de l’ordre. Et il a mis un accent particulier sur cinq victimes innocemment tuées à cause de leurs accoutrements. Bilan farfelu concocté par un esprit obscur. Les morts du 20 octobre n’ont pas besoin d’être chiffrés ni répartis par camp. Ils sont humains, leurs vies sont sacrées et ils n’ont tout simplement pas mérité de disparaître dans des circonstances aussi floues qu’inexplicables », lit-on sur la page de garde.
« En ce jour, on a touché le fond, on a tué l’espoir, on a écrasé dans l’œuf le rêve, on a claqué la porte à l’ouverture politique, on a troqué l’avenir, mais aussi le passé du royaume. On a enfoui les espérances et les lendemains dans les abysses », continue le résumé de la quatrième de couverture du roman « La piste des charniers » est l’œuvre d’un juriste-politologue, Ali Goukouni Beremi, et d’un politologue, Ali Abdelkerim Abdoulaye.
Par ailleurs, citant des personnages comme Massar, Maximilliano, ou des nominations comme Tchadisland, la vitrine de Tchadisland, le lecteur y découvrira une ironie atypique et rare dans la littérature tchadienne. Une suite de violence exercée sur les manifestants, des balles laissant à l’agonie leurs victimes, des tortures humiliantes, des geôles macabres aux odeurs d’une mort certaine… enchaînent le récit. Des images « surréalistes » rappelant le sang tant versé des citoyens tchadiens y sont décrites. Cette œuvre décrit, avec une certaine suite macabre d’images, de plus en plus parlantes et manifestes, les événements sanglants du 20 octobre 2022.
Un lecteur non informé y trouverait le compte sanglant d’un film d’horreur et de sang. Car ce roman est le spectre de la violence répressive des régimes sanglants consécutifs qu’a connus le Tchad.