Le Président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat semble mener de plus en plus difficilement sa barque. Après avoir plaidé pour un «cas d’exception» lors de l’accession au pouvoir le 20 avril 2021 d’un groupe de généraux de l’Armée Tchadienne avec à sa tête Mahamat Idriss Deby Itno, déclarant une période transitoire de 18 mois, tout semble aller « à vau-l’eau » pour le chef de la diplomatie africaine. Le cas tchadien était jugé exceptionnel suite au décès brutal sur le champ de bataille du Chef de l’État, le Maréchal Idriss Deby Itno.
La position de Moussa Faki Mahamat plutôt conciliante des débuts de la transition tchadienne ne tardera pas à le confronter dans la foulée, à une cascade de changements anticonstitutionnels aux sommets de plusieurs États africains : Mali, Guinée, Burkina-Faso. Le sort qui s’acharne ou un total manque de discernement ? Peu importe, car les dés sont jetés.
La suite, elle, devient donc tout à fait prédictible. Les nouveaux maîtres de Transition adopteront une situation de défiance vis-à-vis de l’Union africaine à chaque sortie des responsables des instances sous régionaux ou de l’organisation continentale, déplorant le «deux poids, deux mesures» dont a bénéficié le Tchad et fustigeant une politique de sanctions à géométrie variable.
Preuve supplémentaire s’il en faut, du vacillement du vaisseau de Moussa Faki, le camouflet subi suite à la décision du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’Union Africaine le 11 Novembre 2022. L’instance sécuritaire de l’UA avait décidé de ne pas infliger de sanctions au régime tchadien, malgré une prolongation de 24 mois de la période de Transition initiale avec toujours à sa tête Mahamat Idriss Deby Itno. De surcroit, ce dernier qui est autorisé à être éligible aux échéances électorales présidentielles n’a pas fini de mettre le Président de la commission de l’union Africaine dans les cordes.
En effet, les préconisations de Moussa Faki Mahamat ne seront pas suivies par plusieurs états africains membres du Conseil de paix. Même s’il avait durement chargé la junte tchadienne dans son rapport soumis au CPS, notamment au regard de la répression sanglante des manifestations du 20 Octobre 2021 ayant occasionné près de 75 morts, selon le gouvernement tchadien
Le 18 février 2023, face à ces revers successifs et à l’occasion de la 36e Assemblée ordinaire des Chefs d’État et de gouvernement de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat abdique donc : «je voudrais saisir ici l’occasion de poser clairement la question des sanctions imposées aux États membres, suite à des changements non-constitutionnels de gouvernements. Il me paraît nécessaire de réexaminer le système de résistance aux changements non-constitutionnels pour le rendre plus efficace […].»
Mais le dossier Tchadien n’est pas à lui seul, symptomatique de cette sorte de cécité de vision stratégique et de complexités qui accompagne les prises de positions du chef l’exécutif de l’Union Africaine. Un évènement récent l’illustre davantage : l’octroi du statut d’observateur au sein de l’Union Africaine à Israël.
Tensions après l’octroi par Moussa Faki du statut d’observateur à Israël
Après avoir décidé de manière unilatérale d’octroyer un statut d’observateur à l’État Israélien en juillet 2021, le Président de la Commission de l’Union Africaine se heurte de plein fouet a la résistance de plusieurs autres pays membres de l’UA. Ceux-ci font bouclier pour l’entrée en vigueur de cette décision dépourvue, selon ces derniers, de consultations préalables. Une commission interne a été mise sur pied pour statuer sur l’octroi ou non à Israël du statut d’observateur. Ceci, bien que Moussa Faki Mahamat tient mordicus et confirme qu’il s’agit bel et bien de sa prérogative exclusive d’accorder ou non à un État non-membre, le statut d’observateur.
Concrètement, cette tension s’est fait ressentir ce 18 février lorsque la diplomate Israélienne Sharon Bar-Li (par ailleurs directrice générale adjointe pour l’Afrique au Ministère des Affaires étrangères Israélien) s’est faite expulser de la salle de conférence par un agent de sécurité.
Le message semble clair : Temps que cette commission n’aura pas rendu sa décision sur l’admission d’Israël en qualité d’observateur, la décision de Moussa Faki ne passera pas.
Il ne serait donc pas imprudent d’avancer que si le Président de la commission de l’union Africaine ne met pas de l’eau dans son vin, la fin de son mandat qui court jusqu’en 2024 risquerait de subir d’autres crispations.
Mais c’est une règle politique bien connue, celui qui ne cherche pas à briguer de mandat, n’a aucune raison de chercher à séduire, ni à ménager sa monture.