Colonisé dans les années 1900 par la France avec plusieurs autres pays, le Tchad, proclamée République le 28 novembre 1958, accède deux ans plus tard à l’indépendance. Plus d’une soixantaine d’années après, le pays n’a toujours pas de monnaie propre. Il utilise celle de la Banque Centrale des États de l’Afrique Centrale (BEAC) qui est une monnaie fabriquée par l’ancien colon et dénommée Franc des Colonies Françaises d’Afrique (FCFA). Autour de cette monnaie, des questions ont été soulevées, des frustrations ressenties dès que des mensonges nourris des intentions colonisatrices aient été dévoilées.
Dans l’histoire ample du continent africain, nous évoquons aujourd’hui une page sombre. Celle ayant fait également état des dizaines d’années de colonisation européenne, les pays ex-colonies françaises subissent encore les séquelles. En effet, s’ils sont dirigés par les citoyens eux-mêmes, plusieurs autres facteurs les lient encore à la colonisation. Nous pouvons citer entre autres l’ingérence politique, la mise en place de la transition tchadienne par exemple, les bases militaires françaises et le franc CFA.
Dans cette optique, le FCFA s’inscrit en une entité coloniale de taille et l’unique à côté des bases militaires. Dans une interview accordée à un média français, l’ancien président de la République du Tchad, Idriss Deby Itno a, d’une manière acerbe, critiqué cette monnaie. Une position qui a fait un tollé sur les réseaux sociaux et a, quelques années plus tard, suscité, à côté d’autres occasions, des actions citoyennes dont le principal acteur a été la Coordination des Actions Citoyennes Wakit Tamma. Cette branche de la société civile tchadienne indique clairement que « le moment de la sortie du joug colonial était arrivé ».
« L’importance du franc CFA, c’est qu’elle est une monnaie qui rassemble 14 pays africains. Il faut que ces pays renégocient la monnaie pour qu’elle devienne réellement une monnaie de ces pays-là. Mais que le trésor français ne gère pas notre monnaie. Nous, en tant que pays souverains, nous gérons notre monnaie par nous-mêmes, par notre banque centrale. Nous avons aujourd’hui, au niveau de la Banque Centrale, trois français qui gèrent avec nous et qui ont des droits de veto. Où est la souveraineté monétaire dans ça ? Comment voulez-vous que l’Afrique se construise dans cette situation ? », disait Idriss Deby Itno, 5ᵉ président de la République du Tchad.
Aussi, cette monnaie n’est pas uniquement critiquée en Afrique. Des politiques français, italiens et des économistes ont également eu à aborder ce sujet brûlant de souveraineté monétaire. Dans leur ouvrage « L’arme invisible de la France Afrique », l’essayiste française, Fanny Pigeaud et l’économiste sénégalais Dongo Samba Sylla, indiquent qu’il s’agit d’une monnaie créée en 1945 et que l’objectif était d’avoir un contrôle économique pour Paris et aussi faciliter le drainage des ressources des colonies, dont le Tchad, vers la métropole. Rappelant ainsi, l’objectif principal de maintien de la suprématie économique, seul gage du développement durable dans un pays.
Il est très difficile pour ce pays de pouvoir se construire dans cette approche. Cette monnaie, durant ces dernières décennies, montre non seulement le caractère économiquement soumis du pays, mais aussi et surtout la gouvernance de cet État déclaré République et Indépendant, n’est pas entre seules les mains des Tchadiens. Ce qui débouche, selon une lecture de plusieurs spécialistes, citoyens et journalistes, sur la présence d’un milieu de soldats de l’ex-puissance colonisatrice au Tchad. Ce chiffre aurait nettement augmenté après que le Niger a coupé ce cordon militaire avec la France.
Aussi, il faut noter que la Coordination des Actions Citoyennes Wakit Tamma, dans ses actions, en tant que société civile, n’a pas caché sa préoccupation quant à la présence de ces soldats français, les bases dont celle de N’Djamena, collée à l’aéroport international Hassan Djamous de la capitale tchadienne. Cette relation entre Colonisé et Colonisateur, débuté à la fin du 19ᵉ siècle, ne veut pas, pour autant, se défaire. Et ce, au grand dam des citoyens tchadiens.