Souvent victimes d’abandon, de mépris et de stigmatisation, les filles-mères vivent une situation déplorable. Le N’Djam Post a scruté pour vous dans ce grand reportage, leur prise en charge et les moyens pour limiter ce phénomène.
A l’annonce de sa grossesse, Memadji est contrainte de quitter la maison familiale par ses parents. A 21 ans, elle est obligée d’abandonner ses études pour prendre soin de son enfant. Devant ses étales de petits commerces à l’avenue Kondol, elle se remémore encore ce moment sombre avec beaucoup de regret : « les parents m’ont renvoyée de la maison. C’est une amie qui m’a accueillie chez elle et je me suis mise à faire des commerces pour joindre les deux bouts. Je voulais pousser loin les études mais la grossesse était arrivée et j’ai brisé mon rêve ».
A l’exemple de Memadji, beaucoup de filles font Face à cette situation au Tchad où les vieilles mœurs sont encore d’actualité. Beaucoup de parents renvoient leurs filles de la maison familiale en cas de grossesse non désirée et qualifient cette situation de honte et de déshonneur. Mais bon nombre de facteurs entrent en jeu dans cette situation, estime le sociologue Félix Mbété Nangmbatnan : « une fille prend une première grossesse et les parents la laissent, elle ramène la 2e et c’est très difficile pour un parent de continuer à supporter n’ayant pas de ressources ». Car pour le sociologue « aujourd’hui la plupart des parents refusent d’envoyer leurs filles pour les études à l’extérieur parce que quand elles reviennent le diplôme c’est d’abord l’enfant », dit-il.
Le cas des filles-mères est non seulement une situation de calvaire, mais une situation qui tue leurs rêves. Selon une étude menée en 2008 par la mutuelle pour le développement économique et sociale de la femme, dans trois grands lycées de N’Djamena, l’on dénombre 150 filles-mères. Ce constat prouve que la majorité des filles-mères sont encore sur les bancs de l’école ou vivent une situation de vulnérabilité.
Prise en charge et manque d’éducation sexuelle dans les ménages
Pour aider ces filles à se prendre en charge, Ramadji Rachel a transformé sa concession en un centre de formation. Dans sa cours, elle apprend à ces filles la fabrication des sirops, savons, mais aussi le tricotage. Pour la promotrice de cette initiative, il est nécessaire de former ces filles-mères pour leur insertion socioprofessionnelle : « comme moi j’ai appris ailleurs, l’idée m’est venue pour former les filles-mères à se prendre en charge. Mais seule, je suis limitée, je lance un appel aux bonnes volontés de m’aider dans cette démarche », dit Ramadji Rachel.
Selon l’Association Tchadienne pour le Bien-Etre Familiale (ASTBEF), une structure qui œuvre pour la santé de reproduction et le droit en matière de sexualité, la solution aux grossesses non désirées passe par l’éducation sexuelle et le recours aux méthodes contraceptives. Pour Melom Adeline, présidente du Mouvement d’Action des Jeunes de ladite structure, « il faut intégrer le programme d’éducation sexuelle à la vie et à l’amour dans les établissements scolaires mais aussi que le tabou soit enterré pour pouvoir faire régner le dialogue dans les familles ».
La femme est la mère de l’humanité dit-on. La situation des filles-mères risque d’être un phénomène de déstabilisation de la société. Briser le tabou autour de l’éducation sexuelle dans les ménages pourrait atténuer ce phénomène.