Les habitants de N’Djamena se rendent régulièrement à Kousseri, ville camerounaise située à l’extrême nord du pays. Bordée par les rives du Chari et du Logone, Kousseri est une ville voisine de la capitale tchadienne. Cette proximité géographique en fait un marché incontournable pour les N’Djamenois.
Sur le pont Ngueli, les Tchadiens affluent chaque jour, parfois dans la précipitation, à l’entrée de Kousseri. Et ce, pour diverses raisons, notamment pour son marché. D’une part, il est plus accessible pour les habitants des quartiers périphériques de N’Djamena ; d’autre part, il constitue un centre commercial attractif. Chaque jour, des centaines de N’Djamenois traversent ce pont, parmi eux de nombreuses ménagères.
« Je ne peux pas aller à Dembé, qui est le marché le plus proche de N’Djamena. C’est loin et les articles y sont plus chers qu’à Kousseri. Donc, je préfère acheter tout ici, juste de l’autre côté du pont. Parfois, si j’achète en grande quantité, la douane me retient quelque temps. Parfois, je paie, parfois j’insiste sur le fait que c’est pour mon ménage, et ils me laissent passer », explique une femme d’une trentaine d’années.
Si certains s’y rendent quotidiennement, d’autres y vont une fois par mois pour faire leurs provisions et tenir jusqu’au mois suivant. Pour eux, Kousseri est leur unique marché. Habitant à Ngueli, ils considèrent qu’aller à Dembé ou au grand marché de N’Djamena est une perte de temps. « Depuis que nous avons quitté le quartier Farcha, je n’ai plus eu besoin d’acheter des articles de ménage sur un marché de N’Djamena, même pas un seul. Des produits comme le natron, l’ail et autres, on les trouve dans les boutiques. Quant au riz, à la farine et au sucre, ils sont bien plus abordables à Kousseri. Donc, je les achète ici. Je ne peux pas me permettre de dépenser plus en allant à Dembé où les prix sont plus élevés », confie un père de famille.
Un commerce transfrontalier rentable
De l’autre côté, un homme, sur sa moto tricycle chargée de marchandises, traverse la frontière. Une fois au Tchad, il décharge sa cargaison et repart aussitôt. « Chaque matin, je fais deux allers-retours, et le soir, deux autres. Cela me permet de subvenir aux besoins de ma famille et d’économiser pour d’autres dépenses. Cela fait plusieurs années que je viens ici pour gagner ma vie. J’ai jugé nécessaire de travailler plutôt que de rester les bras croisés. Certes, je n’ai pas de pieds, mais ce n’est pas une excuse. Je ne peux pas attendre que les autres fassent tout pour moi », témoigne cet homme à mobilité réduite.
La route de Kousseri est le témoin d’un commerce prospère entre les deux villes. Une mère camerounaise nous raconte comment elle subvient aux besoins de sa famille depuis la mort de son mari. « Je suis mère de plusieurs enfants. Je viens avec mes aînés acheter des marchandises, puis je les revends à N’Djamena. Cela me permet de nourrir mes enfants. Leur père n’étant plus là, c’est à moi de les éduquer et de les faire vivre. À quoi bon rester à la maison en attendant que d’autres nous apportent à manger ? », s’interroge-t-elle, un sourire aux lèvres.
Des jeunes enfants, des femmes et des hommes, Camerounais comme Tchadiens, font de cette frontière un véritable centre d’échanges commerciaux. Chaque jour, Kousseri alimente les ménages tchadiens des quartiers comme Ngueli et Walia, ainsi que les marchés de la capitale tchadienne.