Dans une société où la précarité est souvent vécue en silence, une initiative citoyenne vient briser l’invisibilité du mal-logement. Le Cercle de Réflexion et d’Action « Tchad Résilience » en collaboration avec la plateforme Espoirs Citoyens, à travers sa Présidente Ramada Abderahim Ndiaye, lancent un appel à l’action à destination du gouvernement tchadien, du Parlement et de la société civile et des Médias. L’objectif : rendre illégales les expulsions extrajudiciaires des locataires par les propriétaires, et instaurer un cadre juridique clair, adapté au contexte tchadien, pour équilibrer les droits des deux parties.
L’expulsion abusive sans décision judiciaire préalable, parfois assortie de menaces, de détention arbitraire ou de confiscation de biens, est une réalité quotidienne dans de nombreuses villes du pays. Ces pratiques, souvent banalisées, constituent pourtant une atteinte grave à la dignité humaine. Dans leur communiqué, les auteurs de l’appel rappellent que le stress lié à l’insécurité résidentielle est l’un des principaux facteurs de maladies cardiovasculaires et cérébrales chez les plus vulnérables. « Le sans-abrisme prive immédiatement de dignité et de sécurité. Cette situation est plus inquiétante que la faim », alerte le document.
Si le droit au logement est reconnu comme un droit fondamental par la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 25) et par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 11), sa traduction dans le droit tchadien reste embryonnaire. Le pays s’appuie encore sur le Code civil français de 1958 et la loi constitutionnelle n°2/62 de 1962, des textes jugés inadaptés aux réalités locales où les contrats verbaux restent la norme.
Les organisations signataires de l’appel plaident ainsi pour une réforme législative ambitieuse : une loi interdisant formellement les expulsions sans décision de justice, punissant les auteurs de telles pratiques, propriétaires ou agents publics par des sanctions pénales et financières. Elles proposent également une procédure d’expulsion rigoureuse et progressive, intégrant des étapes de conciliation et d’apurement avant toute éviction.
Le texte détaille avec précision les étapes qui devraient précéder une expulsion : tentative de règlement à l’amiable ; mise en demeure ; commandement par huissier ; décision judiciaire ; exécution encadrée par la justice.
Mais dans la réalité, la procédure est souvent inversée. Le cadenas posé à l’insu du locataire précède toute discussion. Les biens sont saisis, les personnes jetées à la rue, parfois avec leurs enfants. Ce climat d’arbitraire alimente un sentiment d’insécurité sociale, dans un pays déjà fragilisé par les inégalités économiques et le manque d’encadrement juridique.
À travers cet appel à l’action, les initiateurs espèrent enclencher un débat national sur la question du logement, longtemps reléguée au second plan. Leur ambition est claire : protéger les locataires sans fragiliser les propriétaires, construire un climat de confiance, et surtout, inscrire le respect de la dignité humaine au cœur de la politique urbaine. « Ce combat est une condition de stabilité sociale et de justice pour tous », concluent-ils.