Cinq décennies de musique, de souvenirs et d’engagement artistique. L’orchestre African Mélodie, l’une des figures de la musique moderne tchadienne, célèbre cette année ses 50 ans d’existence. Un anniversaire qui invite autant à la fête qu’à une réflexion : que reste-t-il aujourd’hui de l’héritage musical tchadien ?
C’est en novembre 1974, dans le quartier populaire de Moursal, au bar La Concorde, que l’histoire d’African Mélodie commence. Fondé par le guitariste Ramadingué et Djibrine Terap, le groupe s’imprègne des influences majeures de l’époque, notamment celles de la rumba congolaise et du soukouss, popularisées par l’OK Jazz de Franco et l’Afrisa International de Tabu Ley Rochereau.
Composé à ses débuts de huit musiciens talentueux parmi lesquels Hassane Biani, Elvis Nigayo et Nouba Millet, le groupe séduit rapidement les mélomanes tchadiens avec des titres devenus cultes. Dounia, Mariam, Zénaba entre autres. Leurs chansons, portées par des guitares langoureuses et des paroles profondes, racontent la vie, l’amour, l’espoir et les réalités sociales.
Après un changement de nom en Tchad Mélodie à la fin des années 1970, puis une séparation en 1979, l’orchestre entre dans une longue période de silence, sur fond de bouleversements politiques et sociaux au Tchad. Mais en 2012, sous l’impulsion d’anciens fans, African Mélodie renaît, porté cette fois par Hassane Biani à la direction.
Un patrimoine menacé d’oubli
L’histoire d’African Mélodie soulève une problématique plus large. L’oubli progressif des pionniers de la musique tchadienne. Comme Logone Band ou Vox Tandjilé, d’autres formations ayant marqué leur époque sont aujourd’hui effacées des mémoires collectives. Leurs œuvres, souvent non conservées de manière professionnelle, risquent de disparaître à jamais, emportant avec elles un pan entier de l’identité culturelle du Tchad.
« Aujourd’hui, on parle peu de ces groupes qui ont pourtant posé les bases de la musique moderne au Tchad », regrette un ancien mélomane. Sans archives sérieuses, sans reconnaissance officielle, la musique moderne tchadienne risque de perdre ses racines.
La célébration des 50 ans d’African Mélodie est donc plus qu’une commémoration festive. C’est un appel à la sauvegarde du patrimoine musical tchadien. Il devient urgent de documenter, numériser et diffuser les œuvres de ces pionniers, pour que les jeunes générations puissent s’en inspirer et comprendre d’où vient la richesse de la musique tchadienne.
African Mélodie reste aujourd’hui un symbole vivant de cet héritage. Un pont entre le passé et l’avenir, entre nostalgie et renaissance. Un témoignage que la musique, quand elle est portée avec passion, survit aux épreuves du temps.