Le Tchad est témoin ces dernières années d’une innovation dans son paysage financier. Cependant, l’usage des paiements mobiles reste faible. Entre méfiance et résistance culturelle, les citoyens doivent s’adapter à l’utilisation de la monnaie électronique sans inquiétude.
Le mode de paiement mobile, lancé en 2012 par les opérateurs de téléphonie mobile et l’Agence de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), fait partie des solutions qui ont permis aux utilisateurs de se libérer des contraintes du cash et d’expérimenter de nouvelles alternatives de paiement plus rapides et pratiques. Cependant, 11 ans après, il n’y a que 12 % de Tchadiens qui utilisent le système de paiement mobile ou de la bancarisation, tandis que les 88 % restants, utilisent du liquide.
A l’ère du numérique, les avantages des services de paiement mobile sont indéniables en ce sens qu’ils permettent à la population de réaliser des transactions en temps réel, de régler des factures et même de transférer de l’argent de manière instantanée et en toute sécurité. Le tout, pour peu qu’on ait un smartphone et un accès à internet. Plus faciles à utiliser, ces solutions commencent petit à petit à se faire une place parmi les modes de paiement dématérialisés les plus utilisés au Tchad aujourd’hui. Selon les experts financiers, le nombre de paiements mobile émis sur un compte de paiement ou sur un compte bancaire s’est élevé à 4,1 millions au premier semestre de 2023. « La population tchadienne n’est pas préparée à l’usage de la monnaie électronique. Certains s’en servent juste pour faire des économies, pourtant, ailleurs, c’est le paiement mobile qui marche bien. À ce jour, nous comptons presque 3.6 millions de portefeuilles électroniques, mais l’usage demeure beaucoup trop faible », informe le directeur d’une banque de la place.
En plus de sa commodité, le paiement mobile présente également plusieurs avantages en termes de traçabilité des transactions, facilitant ainsi la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Ce mode de paiement encourage aussi l’inclusion financière, permettant à ceux n’ayant pas accès aux services bancaires traditionnels de participer activement à l’économie. De même, l’adoption du paiement mobile permet de réduire significativement la circulation du cash dont l’utilisation entraîne un coût important pour l’économie. La gestion opérationnelle des transactions en espèces peut être aussi coûteuse pour les entreprises qui se tournent de plus en plus vers des solutions électroniques pour optimiser leurs opérations.
La résistance du cash
Malgré les multiples avantages que présente le paiement mobile, le cash demeure bien ancré dans la culture tchadienne, car il symbolise pour beaucoup la confiance et la sécurité. Le passage du cash au paiement mobile soulève encore des questions concernant la sécurité et la confidentialité des données personnelles face à la cybercriminalité.
Pour le sociologue Mbaiamné Bienvenu, cette « résistance culturelle » ne s’explique pas seulement par une certaine méfiance et un manque de confiance dans les nouvelles technologies, mais aussi par le caractère tangible du paiement en cash et son rôle dans le maintien des liens sociaux. « L’usager du paiement mobile doit être mis en confiance quant au solde de son portefeuille électronique et à la possibilité de le transformer en achat ou en cash à tout moment et n’importe où. Mais, il faut aussi sensibiliser par rapport à la sécurité des transactions », a-t-il souligné.
D’ailleurs, plusieurs mesures ont été prises au Tchad pour encourager l’adoption du paiement mobile. C’est dans cette optique, que plusieurs institutions, ont opté pour la digitalisation de leurs services à travers le paiement électronique. Toutes ces initiatives visent à réduire la proportion du cash dans l’économie nationale au plus bas possible. Le but est d’intégrer l’ensemble des acteurs économiques, d’accélérer les échanges et d’améliorer la performance globale de l’économie. La population doit donc s’habituer à l’usage de la monnaie virtuelle pour ne pas être surprise dans les années à venir.