Depuis août 2024, le Gouvernement tchadien s’est engagé dans une campagne de distribution gratuite de vivres destinés aux populations les plus démunies afin de faire face à la flambée des prix et aux ravages causés par les récentes inondations. Mais dans le 3e arrondissement de N’Djamena, cette aide précieuse semble s’être en partie volatilisée avant même de parvenir aux bénéficiaires.
Les sacs de riz censés soulager la période de soudure et soutenir les familles vulnérables se sont retrouvés au centre d’un scandale de détournement. Selon les allocations du Ministère de l’Action Sociale, le 3e arrondissement devait recevoir 2 400 sacs de vivres. Toutefois, un procès-verbal signé par six délégués locaux révèle que seulement 815 sacs ont réellement été réceptionnés. Deux tiers de cette aide ont ainsi disparu sans aucune explication.
Le scandale ne s’arrête pas là. Des documents internes indiquent que certains de ces sacs, initialement destinés aux familles démunies, ont été attribués à des groupes particuliers au sein de la commune. Parmi les bénéficiaires figurent 50 sacs pour les « conseillers municipaux », 20 sacs pour le « personnel communal » et même 10 sacs pour les « dockeurs ». Des distributions qui s’éloignent de l’objectif initial et suscitent des interrogations sur l’équité et la transparence de cette opération.
Face à la montée des soupçons et des tensions locales, l’Autorité Indépendante de Lutte Contre la Corruption (AILCC) a diligenté une mission d’enquête dans l’arrondissement concerné. Dans un courrier daté du 21 octobre 2024, l’AILCC a demandé au maire de fournir les justificatifs de distribution des vivres pour faire la lumière sur ces pratiques. Bien que l’enquête soit encore en cours, cette intervention marque une prise de position forte de la part de l’AILCC pour répondre aux accusations de malversations.
La répartition des vivres varie pourtant en fonction des communes. Dans d’autres arrondissements de la capitale, les allocations oscillent entre 4 000 et 1 400 sacs en fonction de la taille et des besoins locaux. Ce cas spécifique du 3e arrondissement révèle un problème de gestion plus large qui pourrait bien fragiliser la confiance des citoyens envers les institutions locales et nationales.
Ce scandale de détournement survient au moment où la distribution de l’aide publique fait déjà l’objet de critiques. Alors que des partis politiques locaux et des associations de défense des droits des citoyens dénoncent une gestion opaque des ressources, ce nouvel épisode met en lumière des pratiques qui sapent l’impact des actions sociales de l’État, compromettant l’aide humanitaire destinée aux plus démunis.
Malgré nos efforts pour obtenir des éclaircissements, le maire du 3e arrondissement a refusé de répondre à nos questions. En attendant les conclusions de l’enquête de l’AILCC, cette affaire soulève de sérieuses questions sur la gestion de l’aide humanitaire au Tchad et la capacité des autorités à garantir une distribution équitable. Pour les citoyens dudit arrondissement, cette aide détournée est non seulement un manque de ressources, mais aussi une atteinte à leur dignité et le signe que des réformes s’imposent pour assurer une réelle transparence dans les processus d’aide sociale.