La menstruation est un phénomène naturel et biologique chez les filles en âge de procréer. Cependant, nombre d’entre elles ne sont pas à même de prévenir ce moment, ou du moins bien le gérer.
La menstruation est une période déterminante dans la vie des adolescentes. Dans un passé assez récent, l’âge compris pour en avoir était de 15 à 18 ans. Hélas, les données ont considérablement changé. Des adolescentes de moins de 13 ans se voient plongées dans cette période qui nécessite d’emblée une préparation tant psychologique que physique de la part des parents.
Ce fut le cas d’Abigaël, une jeune fille de la capitale qui retrace avec opprobre et tourment cette étape de sa vie. « Dans ma famille, les sujets liés au sexe sont tabous. La première fois où j’ai eu mes règles, je n’étais pas préparée à cela. C’était la honte du siècle, car je n’avais que 13 ans et pire, c’était en plein cours au Collège. Les amis se sont moqués de moi et j’avais du mal à gérer avec les bouts de pagne. Je me suis abstenue de venir en classe plus d’une semaine », explique-t-elle.
Éduquer son enfant est un devoir parental, mais lui apprendre les changements liés à son corps est encore meilleur. Au Tchad, échanger avec son enfant au sujet du sexe est, malheureusement, contre les us et coutumes dans beaucoup de foyers. Urbaine, une autre jeune fille, souligne avec regret le manque d’éducation à la vie et à l’amour dans les causeries parentales, même si elle a su prévenir sa période. « Moi, je n’ai pas eu trop de problèmes quant à la gestion de mes menstrues par ce qu’on nous avait enseigné cela à l’école. Je n’avais que 12 ans. Mais j’aurais aimé que ce soit mes parents qui me fassent connaitre ce moment de ma vie à l’avance. », s’indigne-t-elle. Urbaine de s’interroger qu’il est bien vrai que l’enseignant est le second père de l’élève, mais est-ce pour autant que l’éducation à la vie et à l’amour, une discipline aussi importante, ne doit être apprise qu’à l’école ?
Comme Urbaine, de nombreuses filles aimeraient être informées à priori. Hélas, cette discipline n’est pas instaurée dans bon nombre d’établissements d’enseignement primaire ou secondaire, afin de permettre à ces probables futurs parents de comprendre l’importance de l’éducation sexuelle dans les ménages.
L’éducation à la vie et à l’amour est importante
Pour le Microbiologiste et Enseignant Chercheur à l’Université Emi Koussi, Dr Mbetemadji Rodrigue, la méconnaissance de l’Éducation à la Vie et l’Amour (EVA) peut entrainer chez la jeune fille un manque d’hygiène en période menstruelle qui conduit à des infections urinaires, de la mycose vaginale. « Elle pousse également ces filles à se sentir isolées et augmente le plus souvent les risques de grossesses non désirées et précoces qui s’accompagnent des Infections Sexuellement Transmissibles (IST), sans oublier les problèmes psychologiques tels que l’anxiété, la perte d’estime de soi, la dépression … », précise Dr Mbetemadji Rodrigue.
Savoir qu’on doit passer par cette période est une chose, la gérer en termes d’hygiène et de santé sexuelle reproductive en est une autre, affirme Dr Mbetemadji Rodrigue. « Une bonne gestion des règles est essentielle pour le bien-être des jeunes filles. Il faut changer régulièrement de protection hygiénique, se laver régulièrement, surtout la zone génitale, faire des exercices physiques pour réduire les crampes et améliorer l’humeur, porter des sous-vêtements en coton et manger équilibré », dit-il.
Bon à savoir, d’après un sondage de l’Unicef-Tchad, à travers sa plateforme participative « U-Report », seulement 56% des filles pratiquent normalement l’hygiène menstruelle. De ce fait, une éducation à la vie et à l’amour adaptée et complète permettrait aux jeunes filles de vivre sereinement leurs périodes menstruelles. Il est donc important de créer un environnement ouvert et bienveillant où les sujets liés au sexe ne seraient plus un tabou.
Ousmal Jumélia