Les finales de l’Euro, du Champions League, de la Coupe d’Afrique et du Monde et de la Copa America ont captivé l’attention de plusieurs millions de fans du football à travers le monde, y compris le Tchad. Si le ballon rond apporte souvent joie et passion, il peut aussi entraîner des comportements destructeurs chez certaines personnes : les paris. Entre addiction et endettement, le ver est dans le fruit.
Le marché des paris sportifs explose en Afrique avec l’installation des géants mondiaux à l’instar de Premier BET. En 2023, l’on note 1561 milliards de FCFA de pariés, 75% des jeunes africains endettés à cause des paris sportifs qui sont comme une bombe à retardement d’après le rapport de Bloomberg.
À première vue, c’est juste pour « s’amuser entre copains », mais les paris sportifs deviennent vite une véritable habitude et mènent droit à l’addiction avec des conséquences financières et psychologiques graves. C’est le cas de plusieurs jeunes tchadiens qui en sont dépendants.
Abdoulaye, un passionné du football, a vu sa vie basculer à cause de ces paris. « 1xbet est devenu comme une drogue pour moi. Tout l’argent que je gagne, je le mise pour tenter de gagner plus. Malheureusement, je gagne peu et je perds beaucoup. L’année dernière, j’ai perdu plus de 800.000 FCFA dans les paris sportifs. D’autres misent des millions. À chaque fois que je perdais à cause d’un seul match, je revenais le lendemain en me disant que cette fois-ci, ça serait la bonne, mais c’était toujours la même chose », informe-t-il. Selon lui, les pertes répétées ont engendré un cercle vicieux et c’était difficile de s’en sortir.
Adam Tahir, lui, affirme que les paris sportifs ont transformé sa passion pour le football en une source constante de stress. « Je fais des paris sportifs depuis plus de 3 ans. Avant, j’éprouvais du plaisir en regardant du football, mais quand j’ai commencé à parier, je suis toujours en alerte. Un jour, j’ai failli faire une crise cardiaque quand j’ai perdu 12 millions de FCFA à cause de la défaite du FC Barcelone. C’était un ticket de 30 matchs et seul Barcelone a perdu. J’ai passé plus de trois jours dans un état de démence. En fait, dans ma tête, cet argent était déjà à moi, donc le perdre m’a brisé le cœur », explique-t-il avec regret. Il ajoute qu’il n’arrive pas à se débarrasser de cette habitude, à s’extirper de cette addiction. « Quand je perds, je suis fâché et furieux, mais à chaque fois, je me dis que la prochaine fois, je gagnerai, mais c’est toujours le contraire, j’accumule des échecs et c’est de l’argent perdu ».
Nguéki, un jeune débrouillard passionné du ballon rond, se trouve également dans une situation désespérée à cause de cette addiction. « Depuis que j’ai commencé les paris, j’ai déjà perdu plus de 900.000 FCFA. La dernière fois, c’était l’Allemagne contre l’Espagne et le Brésil contre l’Uruguay qui ont bousillé mon ticket. J’étais à deux doigts de gagner 7 millions et je n’y peux rien. À chaque fois, je me dis que je vais abandonner, mais il suffit que je regarde les matchs et je replonge en faisant un pari », dit-il.
Nguéki souligne également que les paris sportifs poussent les jeunes à s’endetter chaque jour. « Un jour, j’ai demandé à un ami de m’avancer 700.000 FCFA pour faire un pari. C’était un match de Manchester City contre Manchester United, j’ai misé sur City et ils ont perdu. Franchement, je suis toujours endetté et je n’arrive pas à faire des économies ».
Ces témoignages mettent en lumière une problématique croissante liée aux paris sportifs. La quête de gains rapides pousse ces jeunes tchadiens à prendre des risques financiers considérables, souvent au détriment de leur bien-être mental et de leur stabilité.
Falmata, une mère de famille qui se dit au bord de la dépression à cause de ses enfants, témoigne : « je ne sais pas ce que je compte faire de mes enfants, ils sont accros aux paris sportifs. Il n’y a que ces jeux qui sont dans leur tête. Ils ont abandonné l’école, ils passent tout leur temps dans des petites salles pour regarder les matchs et parier », déplore-t-elle. Elle indique que quand ils gagnent un peu d’argent, la somme est misée en totalité. « Je crois qu’ils risquent de commencer à commettre de petits vols pour avoir l’argent à parier. Ils ne m’écoutent même plus. Tous les espoirs que j’avais placés en eux se sont volatilisés ».
Et pourtant, le Ministère du Commerce et de l’Industrie est le garant d’un décret qui régit les jeux du hasard, les loteries et les concours de pronostics au Tchad. Bien que ce décret soit crucial pour la régulation et le contrôle de ces jeux, sur le terrain, les opérateurs profitent encore du manque de rigueur dans ce secteur.