Nouvelles vies des cabines téléphoniques : entre recharge, transferts et débrouille

Autrefois essentielles à la communication, les cabines téléphoniques au Tchad ont peu à peu changé de visage. Aujourd’hui, elles ne servent presque plus à passer des appels, mais se sont reconverties en points de recharge de téléphones portables et de transferts d’argent. Une évolution dictée par le développement rapide de la téléphonie mobile, mais qui s’accompagne parfois d’une certaine confusion sur leur vocation.

Dans les années 2000, les cabines téléphoniques étaient omniprésentes dans les villes tchadiennes. Munis de cartes prépayées, les citoyens y passaient leurs appels dans un contexte où les téléphones portables restaient un luxe. Mais avec la démocratisation du mobile et l’arrivée des forfaits prépayés, ces cabines ont perdu leur utilité initiale.

Face à ce bouleversement, les gérants de cabines se sont adaptés pour survivre. Aujourd’hui, la grande majorité d’entre elles proposent deux services principaux : la recharge de crédit téléphonique, devenue essentielle à l’ère des communications numériques, et la charge des batteries de téléphones, très demandée dans les quartiers où l’électricité est instable ou peu accessible.

Avec l’essor des services financiers mobiles comme Airtel Money et Moov Money, ces cabines se sont aussi transformées en points de transfert d’argent. Les clients y effectuent dépôts, retraits ou achats de crédit, faisant de ces petites structures des acteurs clés de l’inclusion financière.

Une diversification parfois désordonnée

Cependant, cette transformation s’est parfois opérée sans réelle ligne directrice. Dans certains quartiers de N’Djamena, les cabines téléphoniques sont devenues de véritables boutiques polyvalentes : vente d’accessoires électroniques (pochettes de téléphone, cartes mémoire, clés USB), photocopie, impression, voire petits prêts informels. Une diversification qui, bien que rentable, brouille l’identité initiale de ces points de service.

« À force de tout proposer, on ne sait plus vraiment si c’est une cabine ou un kiosque multifonction », confie un client habituel du quartier Chagoua. Cette confusion traduit surtout l’ingéniosité — et parfois la précarité — des petits entrepreneurs qui cherchent à tirer leur épingle du jeu dans un environnement en constante mutation.

L’évolution des cabines téléphoniques est un miroir de la résilience et de l’adaptabilité des petits commerçants face à la révolution numérique. Mais à mesure que les services digitaux se perfectionnent, notamment avec les applications de mobile money accessibles directement sur les smartphones, une question se pose : ces cabines hybrides finiront-elles par disparaître ?

Marie-Claire Tari Koumninga

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