Pour le rafraîchissement des boissons, la conservation de certains produits alimentaires, des barres de glace sont vendues un peu partout dans les quartiers. Même sous un soleil accablant qui ne laisse aucun Tchadien indifférent, ils sont nombreux, ceux qui prennent plaisir à en consommer directement dans de l’eau ou du soda en vue de se rafraîchir. Pourtant, les conditions dans lesquelles ces glaces sont produites sont peu commodes.
L’ambiance est aussi bruyante dans cette usine de fabrication de glaces comme dans les autres endroits du genre. Entre bruits de générateur d’énergie, l’écoulement des eaux dans les moules et barriques, les employés, tous transpirants, exécutent avec enthousiasme les diverses tâches qui leur sont attribuées. Pendant que certains déchargent les barres de glace pour les livrer aux clients, d’autres se hâtent de remplir les moules d’eau. La chaîne de travail est clairement définie.
Nous sommes à Amtoukouin, dans le 7ᵉ arrondissement de la ville de N’Djamena. Il est environ 14 heures, ce lundi 13 novembre 2023. Il a fallu quelques fractions de minutes pour que l’attention se porte sur des détails qui ne comptent pas souvent pour les détenteurs de ces usines. Moules pratiquement toutes rouillées, des tuyaux servant à remplir les barriques d’eau qui trainent au sol, une quantité d’eau exposée à la poussière, bref tout ce qui porte à croire que les conditions de fabrication de barres de glaces ne respectent pas les normes d’hygiène.
Pourtant, avec cette rareté d’électricité et donc impossible de profiter des réfrigérateurs, certains consommateurs sont contraints de se tourner vers ces fabricants pour satisfaire leur besoin. « L’électricité est un luxe dans ce quartier et je ne peux pas compter sur ça pour mon commerce. Moi, je vends de l’eau, du jus d’oseille et de gingembre. Je me ravitaille ici parce que les prix qu’ils nous proposent sont abordables. Il n’y a pas mieux donc je me contente que de ça », confie Rachelle, transportant deux barres de glaces pour le rafraîchissement de ses boissons.
Ali, gérant de la fabrique glace, très concentré sur les comptes de la matinée, décide après plusieurs tentatives de nous accorder quelques minutes. « La plupart de ceux qui viennent acheter les glaces sont ceux qui détiennent des bars et ceux qui vont revendre. Ça fait plus de 10 ans que nous sommes dans ce local de fabrication des glaces. Si ce que nous produisons n’est pas bon, nous n’en serions pas là”, dit-il.
Très déçu par les « ont dit » autour de la fabrication des glaces, notre interlocuteur n’a pas manqué d’exprimer son mécontentement. “Vous pensez qu’on utilise les produits chimiques dans le processus de fabrication de la glace, pourtant ce n’est pas vrai. Approchez-vous de nous pour savoir ce que nous utilisons. On entend de partout qu’on utilise le formol qu’on administre aux morts pour les glaces, mais comment on peut penser à ça », poursuit Ali.
Peut-on pointer de la main gauche son propre village ? La réponse est bien évidemment négative. « Ils ne nous diront jamais qu’ils utilisent les produits chimiques pour que l’eau se transforme rapidement en glace. Ça, nous n’avons pas la certitude. Mais les saletés qu’on trouve souvent dans l’eau après que la glace soit décomposée sortent d’où ?”, s’interroge ainsi Roger qui affirme avoir interdit la consommation de ces glaces chez lui.
Nous sommes sans ignorer que dans les espaces de consommations publiques tels les marchés et même dans certains ménages, la glace est directement consommée dans l’eau ou dans la boisson. « Je constate très souvent les traces de rouilles sur les glaces que j’achète, mais comme je ne consomme pas directement, je me dis ça ne cause pas de problème. Mais pour ceux qui la mettent directement dans l’eau pour boire, ils doivent faire attention”, témoigne Ruphine vendeuse de boissons. « Nous sommes conscients du fait que la consommation de cette glace peut être mauvaise pour nous, mais nous n’avons pas d’autres moyens. Vous imaginez à combien nous vendons le gobelet d’eau, seulement 25 F CFA. Et si nous dépensons beaucoup sur la glace, on ne pourra pas s’en sortir”, s’explique un vendeur ambulant d’eau au marché de Dembé.
La période la plus chaude de l’année se pointera d’ici là. Et ces barres de glaces qui sont pour le moment vendues à des prix abordables deviendront aussi chères. Car, la demande sera plus grande en cette période. Habib Mahamat Abrass, Spécialiste en Sécurité Sanitaire des Aliments, invite les consommateurs à savoir consommer ces produits pour ne pas à en subir les risques sur la santé humaine. « Les conséquences sur la santé humaine sont là. Si l’eau utilisée par ces fabriques glaces n’est pas aussi propre et que les gens consomment directement la glace, le risque d’être atteint de la fièvre typhoïde est là. Et cette maladie est mortelle, je vous l’avais déjà dit”, explique-t-il.