Des cérémonies festives en passant par les lieux de rencontres publics tels que les bars, restaurants, cabarets et autres, les discussions ne tiennent qu’autour d’un verre, d’une calebasse de boisson alcoolisée ou non. De cette ambiance qui se veut plutôt festive, s’insurgent des malentendus ou incompréhensions pouvant faire des uns et des autres des compagnons rancuniers. Et pour la plupart, les règlements de compte se font en sourdine. Tel est le phénomène d’empoisonnement dont plusieurs personnes ont été et sont victimes.
Nous sommes à Kamnda, quartier populaire du 7ème arrondissement de la ville de N’Djamena, reconnu pour ses nombreux débits de boissons notamment les cabarets. Il est environ 18 heures, le 30 octobre 2023, un attroupement d’hommes attire l’attention. À la question de savoir ce qui se passe, presque personne ne sait exactement de quoi il s’agit. De loin, l’on entendait une jeune dame, la trentaine, communiquer au téléphone. « Prends un bout du plant sous la jarre de ta mère et tu nous le ramènes aussi vite que possible. Tog est mourant », laisse-t-elle entendre. Aux dernières nouvelles, ce dernier nommé hautement serait victime d’un sort localement appelé ‘’lancement’’. Si ce dernier a eu la vie sauve grâce au soin de ses parents, bien d’autres ont perdu la vie de suite cette malencontreuse tendance, qui est le phénomène du poison.
Ces dernières années, les cas de ce genre se multiplient de plus en plus. « L’homme noir est toujours méchant. Aujourd’hui, tu n’as pas besoin d’être riche pour qu’on te tue. Le simple fait d’être en vie même énerve certaines personnes. Sinon quelqu’un qui a de l’argent viendra chercher quoi dans un cabaret. Ils nous tuent pour voir nos familles souffrir simplement », s’indigne Josué, tout méfiant.
Toute embarrassée, Djiguem qui a perdu son fils il y a quelques mois, se questionne encore sur les conditions de cette disparition qu’elle juge ne pas être simple. « Ils ont trouvé une nouvelle manière de nous tuer maintenant. Aujourd’hui, tu n’as pas besoin d’être riche pour qu’on te tue. Ils mettent nos enfants devant les voitures et motos et ce sont nous les parents qui en souffrons. Nous devons nous réveiller pour veiller sur nos enfants aussi sinon ils vont les finir », dit-elle.
Nous sommes toujours dans le 7ᵉ arrondissement de la cité capitale. Il est 15 heures environ ce dimanche 29 octobre 2023. Sur l’axe dit ’’CA7’’, Désiré, tout taquin, va à la douche avec sa bouteille de bière en main, « Nous sommes tous ensemble, mais on ne sait pas qui est qui », lance-t-il en riant. Il est loin d’être le seul à adopter cette attitude. Ils sont nombreux d’ailleurs ceux qui vident leurs verres ou bouteilles avant de bouger de la table. « Généralement, je finis avant de bouger, c’est parce que j’avais un besoin pressant. Et en me levant, j’ai lancé ce pic pour qu’ils ne se sentent pas blessés par mon geste », confie-t-il.
À côté, dans une ruelle un peu plus bruyante du fait de la musique et des pas de danse esquissés autour d’une vendeuse de la bili-bili, une mère, la quarantaine, profitant de l’ombre de son arbuste devant sa maison, semble être habituée à cette festivité. « Il y a toute sorte de personnes ici. L’heure des dégâts n’a pas encore sonné. D’ici peu, ils vont commencer avec les histoires. Entre eux, ils se lancent des sorts. Je me demande bien, c’est pour quelle fin », témoigne-t-elle.
Une réalité qui conduit bien de personnes souffrantes des symptômes tels que les maux de ventre, les céphalées, la fièvre, le mal d’estomac à présumer être empoisonnées. Pourtant, ces signes pourraient également indiquer d’autres maladies. Et donc toute chose qui appelle à être prudent et vigilant.