À Bruxelles, dans les couloirs feutrés de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), l’issue du vote n’a surpris que ceux qui n’avaient pas assisté aux auditions.
Devant les 79 chefs de délégations des pays membres de l’organisation tricontinentale, l’ancien ministre Moussa Saleh Batraki a fait bien plus que défendre sa candidature : Il a convaincu.
En effet, le tchadien, qui souhaitait succéder à l’actuel Secrétaire Général, l’angolais George Rebelo Chikoti, et prendre les rênes de l’organisation pour les cinq prochaines années, a marquer des points importants auprès des nombreux pays des Caraîbes et du Pacifique, en intégrant la problématique climatique à laquelle ces derniers sont confrontés, comme l’un des points important de son programme.
Mais, au-delà, Moussa Batraki a su imposer son style. Son aisance, sa parfaite maîtrise de l’anglais de haut niveau, sa maîtrise des dossiers et son regard lucide sur l’avenir de l’organisation, a vraiment marqué les esprits : « il y avait une différence notable dans la profondeur de ses réponses et dans la vision stratégique », confie un diplomate tchadien.
Face à son concurrent camerounais, le doyen des ambassadeurs Daniel Evina Abe’e, le poids de l’expérience du haut cadre tchadien, combiné avec une vision de renouveau a séduit plus d’une délégation.
L’Afrique centrale solidaire jusqu’au bout
Alors que les deux candidatures du Cameroun et du Tchad étaient parvenus à l’organisation à travers leurs canaux diplomatiques respectifs pour briguer ce poste prestigieux, le Tchad avait contre toute attente, fait retirer la candidature de Batraki au profit de celle de l’Ambassadeur Daniel Evina, en poste depuis près de 15 ans à Bruxelles et doyen des ambassadeurs.
Probabalement, pour une question de stratégie élective en vue de la prochaine campagne de Abbas Mahamat Tolli, en vue de son élection à la présidence de la Banque africaine de Développement (BAD), exercice pour lequel, le soutien des pays de la Cemac et celui du Cameroun est primordial.
D’ailleurs, réunis le 18 octobre 2024 en Guinée Équatoriale, les Chefs d’Etats et de gouvernement de la CEMAC avaient même voté la résolution qui endossait la candidature du Camerounais comme candidat de l’Afrique centrale.
Mais, faute de consensus au sein des autres états composant l’organisation tricontinentale sur ce mode de désignation politique, et malgré des interventions sans ambiguité des ministres de l’Afrique centrale qui ont appuyé jusqu’au bout la candidature du Cameroun, la levée de boucliers était telle, qu’il fallait reprendre le processus.
Ces derniers auraient posé le critère de la mise en compétitivité des candidats, comme condition sinae qua none, afin de les aider à voter en faveur d’un futur Secrétaire Général, doter des meilleures compétences.
Un pur produit de la Coopération Internationale
Mousa Batraki n’est pas un inconnu des cercles de la coopération internationale. Formé en Europe, rodé aux négociations multilatérales, il a occupé des postes de haut niveau, tant au sein du gouvernement tchadien que dans des organisations internationales. Son expertise, forgée dans les domaines du développement, du financement et de la gouvernance, faisait de lui un candidat prometteur.
Encore, fallait-il convaincre une organisation aux équilibres complexes, tiraillée entre les attentes de ses 79 États membres et la nécessité de se réinventer face aux mutations du multilatéralisme.Le candidat du Tchad n’a pas seulement exposé une feuille de route : il a incarné une ambition.
Sous son mandat, l’OEACP devra servir de véritable plate-forme du multilatéralisme au service de ses états membres, capable d’amener des résultats tangibles au niveau politique pour que les Chefs d’États et de gouvernements puissent pleinement mesurer l’apport réelle de cette organisation pour solutionner leurs défis.
En résumé, l’organisation doit peser davantage, être force de proposition, ne plus se contenter de gérer un héritage institutionnel. Un message qui a trouvé un écho favorable.
Par conséquent, les votes qui ont eu lieu le 18 février à Bruxelles, et qui ont placés le candidat tchadien en tête de liste, amène enfin, un véritable éclat au rayonnement de la diplomatie tchadienne.
Après l’échec du Tchad à placer Adoum Younousmi à la tête de l’ASECNA, ce succès rappelle que le pays de Toumai sait encore tirer son épingle du jeu sur la scène internationale. Mais au-delà des considérations nationales, c’est bien le profil de Batraki qui a fait la différence. « Il a su démontrer qu’il était la bonne personne, au bon moment», résume un observateur.
Dans les mois à venir, il lui faudra transformer l’essai, imposer sa marque, et, comme il l’a annoncé, faire de l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraîbes et du Pacifique, une organisation pleinement actrice des grandes dynamiques internationales.
Mais, en cette journée de février à Bruxelles, l’évidence s’était imposée : Batraki était l’homme de la situation !