L’Afrique de l’Ouest est traversée par un phénomène de migration en pleine expansion. Motivées par des facteurs économiques, politiques, environnementaux et sécuritaires, les migrations ont des conséquences sur toute l’Afrique de l’Ouest.
« Le conflit, la violence et les catastrophes induites par le climat sont les principaux moteurs des déplacements en Afrique et dans le monde entier » a concédé la directrice générale de l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM), Amy Pope. L’Afrique de l’Ouest est le théâtre de plus en plus de violence, notamment depuis l’isolement des pays de l’AES (Mali, Niger et Burkina Faso) débuté dès 2021. Selon l’ACLED, le nombre de décès découlant du djihadisme a augmenté de 37 % au sein de l’AES depuis 2022. Cette instabilité et cette violence contribuent à l’augmentation des flux de migrations.
Rien qu’au Maroc, les autorités affirment avoir empêché 78 685 tentatives d’émigration irrégulière, dont 58 % des migrants interceptés provenaient d’Afrique de l’Ouest. Les conditions de vie des populations d’Afrique de l’Ouest sont également dégradées par le changement climatique. Les pénuries d’eau dues au dérèglement climatique ont fragilisé la sécurité alimentaire de la sous-région et entraînent des répercussions sur la biodiversité et sur les infrastructures humaines. Un rapport du GIEC évalue que d’ici 2050, l’Afrique de l’Ouest comptera 50 millions de migrants internes.
La migration : une fuite des cerveaux et un obstacle au développement
Ces fluctuations sont notamment un frein pour la stratégie socio-économique de la CEDEAO, en matière de développement de l’Afrique de l’Ouest. L’organisation souhaite favoriser l’intégration régionale par des politiques économiques et sociales afin de stabiliser la région par les échanges commerciaux. Toutefois, les violences régionales, dues au djihadisme et aux flux migratoires qui en découlent, ne fournissent pas le socle nécessaire à l’établissement de ce projet.
L’intensification des phénomènes de migration en Afrique de l’Ouest a des conséquences économiques sur toute la sous-région. Ces migrations se traduisent par une perte des ressources humaines et une fuite des cerveaux au profit de pays plus développés. En 2022, ce sont plus de 1 200 infirmières spécialisées, qui ont quitté le Ghana pour le Royaume-Uni. Cette perte en compétence alimente les disparités en matière de développement dans une région très fragmentée. À ce sujet, Howard Catton, directeur général Conseil International des Infirmières (CII), s’inquiétait de ce départ massif d’infirmières ghanéennes : « Nous assistons à un recrutement intensif, principalement dans six ou sept pays à revenus élevés, mais aussi dans des pays parmi les plus faibles et les plus vulnérables, qui n’ont pas les moyens de perdre leurs infirmières. »
Ces départs ont des conséquences sociales, notamment sur les familles, souvent livrées à elles-mêmes face à la pauvreté. En migrant les individus qualifiés, ne participe pas à l’éducation de leur famille restée dans le pays d’origine, ce qui constitue un obstacle à l’ascension sociale et au développement économique de l’Afrique de l’Ouest. Toutefois, si les migrants envoient pour la plupart de l’argent à leurs familles, améliorant de facto leur niveau de vie, cela peut aussi créer une dépendance.
La gestion des flux migratoires reste un défi majeur, notamment en raison des migrations irrégulières, des tensions sociales et des problèmes d’intégration. Pour y répondre efficacement, il est essentiel d’améliorer la gouvernance, de favoriser des migrations organisées et de renforcer les politiques de développement local pour générer des opportunités d’emploi dans les pays d’origine. À ce titre, la Banque africaine de développement et l’OIM travaillent au renforcement de la collaboration en matière de migration et de développement en Afrique. Le 14 janvier 2025, Madame Pope a ainsi confié : « Nous voulons travailler ensemble pour garantir que les personnes puissent se déplacer en toute sécurité et dans la dignité, ce qui leur permettra de participer à leur propre solution de développement et au progrès de leur pays ».
En Afrique de l’Ouest, la migration présente à la fois des défis et des perspectives. Une gestion appropriée, soutenue par une coopération régionale renforcée et des politiques adaptées, permettrait de transformer ces défis en leviers de développement pour les pays concernés, mais à quel prix ?