Des grandes artères de la cité capitale en passant par les abords des grandes institutions étatiques et privées, notamment les ministères, les hôpitaux, les centres commerciaux, les bars, les mosquées… les enfants ont fait de la rue leurs salles de classes et leurs parents, des encadreurs. Assis à même le sol, sous ce soleil de plomb, avec des parents très souvent juste à côté, l’on a du mal à distinguer la mendicité au travail des enfants. Un tour dans la ville de N’Djamena nous a permis de faire ce constat alarmant.
Très tôt ce matin du vendredi 23 février, au rondpoint Adoum Tchéré, la routine poursuit son cours pour ces familles déplacées, qui ont fait de la rue, leur bureau de travail. Pas de peine, pas de gain, encore moins pour cette fillette, vêtue d’un « hidjab » rose, un panier à son poignet. Cette innocente âgée d’environ 5 ans, n’hésite pas à tendre la main à tous les passants. Pendant que celle-ci est en poste en plein milieu de la route, sans crainte, sa génitrice, assise de l’autre côté de la route, ne cesse de jeter des regards d’attention. Sur l’occasion, nous profitons pour lancer une discussion, pour ne pas dire un monologue, car, à toutes nos questions, nous n’avons eu pour réponse que le silence. Un silence qui se traduit par une incompréhension pour cette jeune qui ne comprend que le Bambara.
Très différents des enfants talibé qu’on croise également à tout bout de chemin, ceux-ci font l’exception d’être accompagnés de leurs parents.
Pendant que le Tchad cherche par tout moyen la voie d’accès au développement, des enfants, futurs cadres et la relève de ce pays se trouvent face à une mendicité qui prend de jour en jour une nouvelle forme. L’on est même très souvent tenté d’assimiler cette situation à de l’exploitation ou du moins au travail des enfants. « Nous sommes conscients de cette situation. La plupart de ceux qui s’adonnent cette pratique sont des migrants. Il y a des Maliens, des Nigériens, des personnes venues de partout et d’ailleurs », déclare Zeinaba Tidjani Ali, Directrice Générale de la Protection de l’Enfant et de la Promotion de la Famille.
Comme présentée, cette situation peut être perçue comme le résultat de la pauvreté des familles, mais aussi le produit d’autres facteurs, notamment les normes sociales qui tolèrent cette pratique, le manque d’emplois décents, les situations d’urgence, l’immigration, etc. Nous sommes sans ignorer que partout dans le monde, le droit fondamental reconnu pour chaque enfant, est celui d’aller à l’école, d’avoir accès à un environnement sain et sécurisé. Telles sont les conditions qui peuvent être source de développement d’une Nation. Et ceci est soutenu également par la déclaration des droits de l’enfant, établie en 1959 par les Nations-Unies qui stipule que l’enfant doit bénéficier de la sécurité sociale, il doit pouvoir grandir et se développer d’une façon saine.
Bien plus, la Convention tchadienne relative aux droits de l’enfant reconnait l’enfant comme un des biens les plus précieux pour toute la famille. Il est une richesse, une force sociale et toutes les traditions tchadiennes et même africaines ont toujours été axées sur la sauvegarde de l’enfance et sa promotion. Cependant, on observe que l’enfant qui a toujours été un trésor est en train d’être abandonné à lui-même. C’est le quotidien de bien d’enfants au Tchad, qu’ils soient étrangers ou pas.« Ceux qui voient ces enfants comme des mendiants sont tous complices de cette pratique. Pour moi, c’est de l’exploitation. Aucun parent normal ne peut accepter, laisser son enfant sillonné ainsi les rues », exprime Loic, clandoman. « Nous sommes toujours en route et nous voyons comment ces enfants évitent de justesse les accidents, pendant que les plus grands sont tranquillement sous les arbres. Nous savons tous comment les gens conduisent ici à N’Djamena », poursuit-il. Comme lui, nombreux sont ceux qui pensent que cette pratique ne peut être sans impact sur le bien-être des enfants.
Que ce soit sur le niveau d’éducation, leur état sanitaire sans oublier les chocs psychologiques par lesquels ils passent, ces enfants sont en perpétuel combat avec la rue. « C’est une honte pour nous de voir l’image du Tchad être véhiculée avec tout ce nombre de personnes bien portantes qui mendient. La mendicité est devenue un emploi pour ceux-là et de manière quotidienne. Quand on est en bonne santé, on doit travailler, il y a beaucoup d’activités », s’indigne la Directrice Générale de la Protection de l’Enfant et de la Promotion de la Famille. En réponse donc à cette situation préoccupante, une politique nationale de la protection des droits de l’enfant avec un plan quinquennal validés par les techniciens sont st en attente d’adoption. D’ici là, on espère une meilleure situation pour les jeunes générations.