Après une nouvelle journée de manifestation durement réprimée par les militaires, le Premier ministre soudanais Abdallah Hamdok a mis en exécution sa menace en démissionnant dans la soirée de ce dimanche 2 janvier 2022.
Dans un discours télévisé à la nation, l’économiste onusien avoue son impuissance, moins de deux mois après son retour au pouvoir, grâce à un accord politique conclu avec les militaires. « J’ai tenté de mon mieux d’empêcher le pays de glisser vers la catastrophe, alors qu’aujourd’hui, il traverse un tournant dangereux, qui menace sa survie, au vu des conflits entre les composantes (civile et militaire) de la transition. Malgré tout ce qui a été fait pour parvenir à un consensus, cela ne s’est pas produit », indique-t-il.
Et pourtant, Abdallah Hamdok a menacé à plusieurs reprises de quitter l’accord politique qu’il avait conclu avec la junte, faute de consensus. Il a eu du mal à dénicher des volontaires civils pour former un gouvernement. Mais, ses compatriotes soudanais le considérent toujours comme un « traître », qui aidait les militaires à « faciliter le retour de l’ancien régime ».
Le traitre qui s’allie avec les militaires
En partageant le pouvoir avec l’armée aux commandes depuis l’indépendance, Abdallah Hamdok devient l’espoir, en août 2019, d’une remise du pouvoir aux civils. Mais l’opinion publique va vite déchanter. Le 25 octobre 2021, à l’aube, le général Abdel Fattah al-Burhan, le chef de l’armée, annonce la dissolution de toutes les institutions du pays. Le Premier ministre est en résidence surveillée. Un coup de frein sec pour la transition démocratique !
Le 21 novembre dernier, Abdallah Hamdok, arrivé au pouvoir grâce au soutien des partisans d’un transfert complet du pouvoir aux civils, sort de sa résidence surveillée et retrouve son poste aux termes d’un accord contesté avec le même général Abdel Fattah al-Burhan. Ce dernier s’engage à libérer tous les prisonniers politiques. L’ex « otage » devient pour les Soudanais un « traître » qui, en s’alliant avec l’armée, facilite de fait « le retour à l’ancien régime ». Mais, Abdallah Hamdok, lui, plaide la bonne foi, en assurant vouloir faire « cesser l’effusion de sang » face à une répression ayant fait une cinquantaine de morts et sauvegarder « les acquis de la révolution » dans le pays. Le 19 décembre dernier, pour le troisième anniversaire du lancement de la « révolution », il reconnait « un grand pas en arrière sur le chemin révolutionnaire », dénonçant violence et blocage politique.