Les effets du changement climatique imposent aux pays en développement et plus particulièrement au Tchad une stratégie de riposte à la hauteur des attentes de la population qui est de plus en plus vulnérable. Dans cette tribune, Hisguima Dassidi Crépin, économiste de développement et doctorant en économie à l’université d’Orléans en France, propose une stratégie pérenne et efficace de lutte contre les catastrophes naturelles.
Récemment, les autorités ont mis en place un comité chargé de lutter contre le phénomène de l’inondation qui se vit dans plusieurs provinces du pays, y compris la capitale. Cette solution est certes à saluer, mais n’est pas pérenne, car un comité n’a pas vocation à travailler dans la durée alors que l’inondation (et plus globalement les catastrophes naturelles) est un phénomène qui se manifeste chaque année en raison de la forte exposition du pays aux effets du changement climatique.
La réponse adéquate et pérenne face à ces phénomènes est sans doute la mise en place d’un Fonds de Lutte Contre les Catastrophes Naturelles (FLCN) qui pourrait être mis sous la tutelle de la primature :
- Il s’agit d’un fonds de contingence qui est dédié uniquement à la gestion des urgences découlant des catastrophes naturelles. Les mécanismes du fonds devraient s’activer lors de la survenance d’une catastrophe naturelle. Le FLCN doit être impérativement adossé à un plan national de contingence. Le gouvernement peut abonder à hauteur de 20 à 40% en fonction de sa contrainte budgétaire. Le restant pourrait être alimenté par les partenaires au développement. Les financements de ce fonds proviennent du budget national, les dons, les subventions, crédits, primes d’assurance, etc. L’objectif à moyen terme de ce fonds est de permettre au gouvernement de contenir le risque dans le cadre de l’élaboration du budget en mettant de côté à l’avance des ressources financières capables de faire face aux chocs exogènes tels que les catastrophes naturelles. Toutefois, la réussite de ce fonds est conditionnée par la mise en place d’une structure administrative disposant des ressources humaines de qualité, un processus et des procédures claires et limpides concernant l’utilisation de ce fonds. La particularité du FLCN est qu’il peut mener des actions allant dans le sens de la prévention ;
- Création de sept services au sein du FLCN notamment le service de santé, de protection, d’habitat, eau et assainissement, agriculture, sécurité alimentaire et la logistique. Tous ces services doivent travailler en étroite collaboration avec les ministères concernés afin d’avoir une meilleure coordination dans la riposte ;
- Réorienter les 20% du budget des mairies dédiés au nettoyage des caniveaux dans le FLCN. L’idée est d’avoir des disponibilités immédiates pour faire face aux urgences. Cette initiative oblige le FLCN à travailler en étroite collaboration avec les services chargés de l’eau et assainissement des mairies ;
- Prendre un arrêté ou une directive obligeant les maires de curer systématiquement les caniveaux au plus tard un mois avant la saison des pluies. Le non-respect de cette décision devrait entraîner des sanctions allant dans le sens de la réorientation de 5% de plus des 20% initialement prévue pour financer le FLCN. La mairie centrale est tenue de surveiller et informer les autorités en charge du FLCN du respect ou non de cette disposition. Le FLCN doit travailler en étroite collaboration avec les mairies afin de s’assurer de la bonne canalisation des eaux et de la bonne marche des systèmes de rétention des eaux ;
- En perspective de l’arrivée de la période de crue (almé-sel), il est urgent de mettre en place un projet de canalisation spécifique au 9ᵉ arrondissement (le plus touché). Ce projet d’envergure devrait non seulement mettre en place un système de canalisation spécifique, mais également creuser en profondeur (environ 1 mètre) le long du Chari en commençant par l’entrée de la capitale jusqu’à la sortie vers Farcha tout en construisant des barrages de haut de 2,50 m dans les bordures du fleuve (prendre uniquement les 10 km). Ceci permettra au 9ᵉ arrondissement de mieux résister lors de la saison pluvieuse et faire face à la période dite almé-sel ;
- Intégrer la société civile dans la stratégie de riposte du FLCN afin de mieux vulgariser les initiatives et permettre une bonne collaboration avec la population ;
- Travailler avec les entités déconcentrées de l’État dans les provinces dans le but d’établir une stratégie de contingence au niveau local ;
- Pour des raisons de redevabilité et de transparence dans la gestion du FLCN, les parlementaires peuvent, s’ils le souhaitent, auditionner les responsables du FLCN afin de s’imprégner des réalités de la gestion du fonds.
Ainsi, le pays pourra se doter d’une stratégie pérenne et efficace de lutte contre les catastrophes naturelles.