Le procès historique du massacre de septembre 2009 en Guinée a repris lundi à Conakry. C’est en l’absence d’un des accusés et sous le contrecoup de l’opération commando qui a fait passagèrement sortir de prison l’ancien dictateur Moussa Dadis Camara neuf jours plus tôt.
Des hommes armés ont extrait de prison, le 4 novembre, Moussa Dadis Camara et trois autres prisonniers actuellement jugés pour un massacre commis en 2009 sous sa présidence, l’une des pages les plus sombres de l’histoire guinéenne. Le raid a fait au moins neuf morts selon le parquet général.
Trois des accusés, dont Moussa Dadis Camara, ont été repris le jour même, le 4 novembre. L’un d’eux, le colonel Claude Pivi, est toujours dans la nature. Le raid a suscité des craintes pour la suite du procès ouvert le 28 septembre 2022 après des années d’attente pour les victimes.
Le procès a repris lundi après trois semaines de suspension pour d’autres raisons. Me Pépé Antoine Lamah, un des avocats de Moussa Dadis Camara, s’est plaint au nom de ses confrères qu’aucun d’entre eux n’ait été autorisé à entrer en contact avec son client à la prison après le 4 novembre, » ce qui constitue en soi une violation des droits de la défense« .
Le conseil du colonel Pivi, Me Fodé Kaba Chérif, a réclamé un rapport du procès en l’absence de son client. Le procureur Alghassimou Diallo s’y est opposé. Plusieurs avocats au procès, des parties civiles comme de la défense, ont exprimé des craintes pour leur sécurité.
Le colonel « Pivi est un accusé. Nous avons martelé des faits contre lui. Nous avons peur pour notre sécurité » alors qu’il est en cavale, a déclaré à l’audience l’un d’eux, Amadou Oury Diallo. L’un des avocats de Moussa Dadis Camara, Sidiki Bérété, a également fait partie de ses craintes pour les mêmes raisons.
« Beaucoup d’entre nous sont parfois suivis de la salle d’audience jusqu’à (chez nous)« , a ajouté Me Diallo, sans donner plus de détails. Les avocats des accusés sortis de prison le 4 novembre ont généralement assuré que leur client avait été extrait de force et ne s’était pas évadé.
Moussa Dadis Camara et dix autres anciens responsables répondent à une litanie de meurtres, actes de torture, violations et autres enlèvements commis le 28 septembre 2009 et les jours suivants par les forces de sécurité dans un stade de la banlieue de Conakry, où s’ étaient réunis des dizaines de milliers de sympathisants de l’opposition, et aux alentours.
Au moins 156 personnes y ont été tuées et des centaines de blessés, et au moins 109 femmes violées, selon le rapport d’une commission d’enquête mandatée par l’ONU.
Après l’opération commando du 4 novembre, la junte au pouvoir a mené une purge dans les services de sécurité et de prison, et démis une soixantaine d’officiers, soldats et agents. Un responsable au ministère de la Justice a indiqué à l’AFP sous le couvert de l’anonymat qu’une soixantaine de personnes avaient été arrêtées.